Vous êtes le créancier d’une personne sur le point d’hériter ? Celle-ci refuse l’héritage alors que cette somme pourrait couvrir les sommes qu’elle vous doit ? Ne la laissez pas faire, agissez ! Il est possible d’accepter la succession au lieu et place de votre débiteur, héritier renonçant. Néanmoins, certaines conditions doivent être réunies.
Les héritiers d’une succession disposent d’un droit d’opter. Cela signifie que les héritiers ont trois options, à savoir accepter purement et simplement la succession, l’accepter à concurrence de l’actif net, ou y renoncer.
Les héritiers d’une succession ont 4 mois à compter de l’ouverture de la succession pour effectuer ce choix. Si aucun choix n’a été exprimé à l’issue de ce délai, un autre héritier potentiel, un créancier du défunt, l’Etat ou un cohéritier ont la possibilité d’adresser une sommation d’opter à l’héritier afin que celui-ci se positionne. Toutefois, en tant que créancier personnel d’un héritier vous ne disposez pas de cette possibilité. Ainsi, il arrive parfois qu’un héritier débiteur d’une dette auprès de vous décide de renoncer à la succession. Dans ce cas-là vous devez surement vous demander si vous pouvez exercer un recours contre lui.
La Cour de cassation est venue se prononcer à l’occasion d’un arrêt rendu le 19 décembre 2012. En l’espèce, il était question d’une dame décédée en 2006 qui avait pour héritiers ses trois enfants dont l’un d’entre eux avait renoncé à la succession de sa mère. Néanmoins, l’héritier renonçant avait une dette à régler auprès d’un créancier. Ce dernier a alors saisi le tribunal afin d’être autorisé à accepter la succession à la place de cet héritier renonçant.
Ainsi, le créancier peut-il accepter la succession à la place de cet héritier afin de pouvoir se faire rembourser les sommes qui lui sont dues ? Telle est la question qu’ont dû se poser les juges de la Cour de cassation.
Le créancier invoquait le préjudice était constitué par la renonciation : en répudiant la succession qui lui était échue, le débiteur refusait de s’enrichir et causait un préjudice à son créancier personnel. La seule renonciation à la succession serait constitutive du préjudice.
La Cour de cassation a jugé que le créancier peut se faire autoriser à accepter à la place de son débiteur la succession à laquelle ce dernier a renoncé s’il démontre l’insolvabilité du débiteur.
Le créancier a la possibilité d’accepter la succession de son débiteur en son lieu et place, si celui-ci y renonce. Pour que ce droit lui soit accordé, il est nécessaire que le préjudice subi par le créancier du fait de la renonciation de la succession provienne de l’insolvabilité du débiteur c’est-à-dire de son impossibilité de payer (défaut d’argent).
Le préjudice du créancier ne peut exister qu’en cas d’insolvabilité, au moins apparente, du débiteur, à la date de la renonciation à la succession.
Les juges de la Cour de cassation ne font que confirmer la décision de la Cour d’appel qui avait établi qu’en l’absence de la preuve de l’insolvabilité de l’héritier, le créancier ne pouvait pas être autorisé à accepter la succession à sa place.
En somme les créanciers peuvent agir à la place de l’héritier uniquement s’ils parviennent à démontrer l’insolvabilité du débiteur.
Attention, cette décision a été rendue en application de l’article 788 du Code civil dans sa version antérieure au 23 juin 2006. Cet article disposait en effet alors que : « Les créanciers de celui qui renonce au préjudice de leurs droits, peuvent se faire autoriser en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en son lieu et place. Dans ce cas, la renonciation n’est annulée qu’en faveur des créanciers, et jusqu’à concurrence seulement de leurs créances : elle ne l’est pas au profit de l’héritier qui a renoncé. »
Aujourd’hui, c’est l’article 779 du Code civil qui est applicable. Il dispose que « les créanciers personnels de celui qui s’abstient d’accepter une succession ou qui renonce à une succession au préjudice de leurs droits peuvent être autorisés en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en son lieu et place. L’acceptation n’a lieu qu’en faveur de ces créanciers et jusqu’à concurrence de leurs créances. Elle ne produit pas d’autre effet à l’égard de l’héritier. »
Notons par ailleurs que les cas d’actions à engager diffèrent selon les circonstances et notamment selon que la succession a été ou non acceptée par d’autres héritiers. Renseignez-vous bien avant d’agir.