Vous avez souscrit avec des biens communs un contrat d’assurance-vie en faveur de votre époux afin de le protéger. Malheureusement, votre époux vient à décéder. Le contrat d’assurance-vie n’est pas dénoué. Quelles sont alors les conséquences fiscales pour vous, conjoint survivant, et les autres héritiers ?
Lorsque l’un des époux souscrit un contrat d’assurance-vie en son nom, et que l’argent versé provient des fonds communs du couple, la Cour de cassation dans son arrêt Praliscka du 31 mars 1992, a affirmé que la valeur du contrat d’assurance vie devait être intégrée dans le patrimoine commun des deux époux.
Dans cet arrêt, les juges ont eu à se prononcer sur la place du contrat d’assurance-vie dans le patrimoine des époux dans le cadre d’un divorce. Cette réintégration dans la communauté des époux intervient aussi lorsque l’époux bénéficiaire décède avant l’époux assuré.
Sur le plan fiscal, la question a également été posée au ministre cette fois-ci, pour savoir si la moitié de la valeur du contrat d’assurance-vie financé avec des fonds communs devait être intégrée dans le patrimoine de la succession du défunt.
Le Ministre de l’économie et des finances a formulé sa réponse le 29 juin 2010 (connue sous le nom de réponse Bacquet) : « la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs fait partie de l’actif de communauté, et sont donc soumis aux droits de succession dans les conditions de droit commun. »
Au décès de l’un des conjoints, la communauté est liquidée, c’est-à-dire que l’époux survivant obtient la part des actifs qui lui revient avant de partager la succession. Généralement la moitié du patrimoine du défunt entre dans la succession. Ainsi d’après la réponse Bacquet, le contrat d’assurance-vie du défunt doit être intégré, en principe pour moitié, dans la succession, ce qui n’est pas sans conséquence fiscale pour les autres héritiers.
L’administration fiscale a adopté cette réponse ministérielle Bacquet, et a ainsi publié au BOFIP du 20 décembre 2012 sa position sur la question.
Elle a distingué deux situations :
Depuis la loi TEPA de 2007, le conjoint survivant est exonéré du paiement des droits de succession. Ainsi l’intégration de la valeur du contrat d’assurance-vie dans la succession n’a aucune incidence fiscale pour lui.
Cependant il n’en est pas de même pour les autres héritiers, qui eux ne sont pas exonérés du paiement des droits de succession. Ils doivent donc faire face à une augmentation des droits successoraux avec l’insertion de la valeur du contrat d’assurance-vie dans l’actif successoral. En effet, les enfants du défunt devaient payer des droits de succession sur une assurance-vie qu’ils ne percevaient pas puisqu’elle n’était pas dénouée du fait de l’existence d’un conjoint survivant.
Ces mesures fiscales avantageuses pour le conjoint survivant pouvaient donc être source de conflit avec les autres héritiers.
Une réponse ministérielle « CIOT » publiée au JO le 23 février 2016 met fin à cette pénalité qu’inflige la doctrine Bacquet aux héritiers : « Il est admis, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016, qu’au plan fiscal la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des fonds communs et non dénoué à la date du décès de l’époux bénéficiaire de ce contrat, ne soit pas intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé ».
La réponse ministérielle Bacquet qui énonçait que la moitié du contrat d’assurance-vie devait être soumis à taxation lors du premier décès du conjoint bénéficiaire ne s’applique plus. Ainsi, le droit fiscal tient enfin compte des spécificités de l’assurance-vie non dénouée pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016 : les héritiers n’auront rien à payer lors du décès de leur parent bénéficiaire de l’assurance-vie. Cela signifie que l’intégration de l’assurance-vie non dénouée dans la succession ne donne plus lieu à imposition. Ainsi, depuis la réponse ministérielle « CIOT », l’imposition éventuelle du contrat non dénoué intervient qu’une seule fois au moment du décès du le conjoint survivant et uniquement dans les conditions de droit commun de l’assurance-vie. Cela signifie que l’âge de l’assuré lors de la souscription et des versements ultérieurs sur le contrat seront pris en compte.
Sources : Cass. Civ., 1ère, 31 mars 1992, n°90-16343, R.G.A.T. 1993, n°1 p.137 ; rép. Min. Bacquet, JOAN 29 juin 2010, p. 7283 ; BOFIP-ENR-DM TG-10-10-20-20 n°380 du 20 décembre 2010 ; rép. Min.