L’assurance-vie est un placement financier permettant au souscripteur d’épargner des liquidités afin de les transmettre in fine à un ou plusieurs bénéficiaires soit de son vivant, ou à son décès. Ce type de contrat est en général ouvert dans l’objectif d’organiser une transmission ou de préparer une succession. Au moment de la souscription d’un tel contrat, il est important de s’enquérir de l’état de santé et vérifier qu’il dispose de toutes ses facultés.
Le principe général posé par le Code civil
Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit (article 414-1 du Code civil). La santé mentale est en effet une condition de validité d'un acte, indépendamment de l’existence d’une mesure de protection juridique.
Le Code civil prévoit des mécanismes protecteurs lorsqu’une personne n’est pas en possession de ses moyens. Ces mécanismes sont particulièrement utiles, notamment en matière de testament et d’assurance-vie. Les juges sont à ce titre régulièrement amenés à trancher des litiges tendant à l’annulation d’actes juridiques pour insanité d’esprit de leur auteur.
Qu’est-ce que l’insanité d’esprit ?
La notion d’insanité d’esprit n’est pas particulièrement définie par le Code civil, mais il est possible d’en donner des exemples. Par « insanité d’esprit », sont non seulement entendus tous les troubles mentaux, quelle que soit leur origine, mais également les cas où l’individu serait privé de raison. La démence ou encore l’altération des facultés au moment de la conclusion de l’acte en font notamment partie.
Toutes les situations où le défaut de consentement peut être constaté sont susceptibles de constituer une cause de nullité du contrat. Il n’en demeure pas moins que la preuve de l’insanité d’esprit privant le disposant de ses facultés devra être apportée.
En l’absence de définition précise, l’insanité d’esprit peut également être définie de manière négative. Dans un arrêt du 18 janvier 2012, la Cour de cassation a par exemple considéré que le simple constat que le souscripteur avait besoin d’être assisté pour la gestion de son patrimoine n’établit en aucun cas son insanité d’esprit au moment de la souscription d’un contrat d’assurance-vie ou de la modification de la clause bénéficiaire (Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 janvier 2012, n°10-27.325).
Du vivant du défunt, l’action en nullité existe bel et bien, mais n’appartient pas aux héritiers du défunt. Les fondements de cette action varient selon que le défunt était ou non placé sous tutelle ou curatelle au moment de l’acte mis en cause.
Hypothèse 1) Le défunt n’était pas placé sous protection juridique
Tant que la personne auteur de l’acte et qui connaît un trouble mental est vivante, l’action en nullité lui appartient en principe à elle seule. L’article 414-2 du Code civil dispose en effet que « de son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé ». Elle seule peut donc demander la nullité de l’acte qu’elle a accompli.
La nullité peut être demandée dans les cinq ans à partir de la date de l’acte litigieux. À titre exceptionnel, la prescription peut être suspendue.
Hypothèse 2) Le défunt était placé sous protection juridique
La souscription, le rachat, la désignation et la modification du contrat d’assurance-vie sont possibles sous le contrôle du juge des tutelles ou avec l’assistance du curateur.
Le Code civil prévoit que la personne chargée de la gestion des biens d’une personne protégée peut également contester les actes accomplis préalablement à l’ouverture de la mesure, dès lors que l’altération des facultés personnelles a été connue de tous et que l’acte a été accompli moins de deux ans avant la publicité de la décision ouvrant la mesure de tutelle ou de curatelle (article 464 du Code civil). Il est en revanche indispensable que l’acte cause un préjudice à la personne protégée elle-même.
Si le défunt a accompli un acte pendant qu’il était placé sous tutelle ou curatelle, sa nullité pourra dans certains cas être demandée par les héritiers (article 465 du Code civil).
Il résulte du Code civil qu’après sa mort, les actes faits par le défunt, autres que la donation entre vifs et le testament, peuvent être attaqués par ses héritiers pour insanité d'esprit, uniquement si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental, ou s'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice.
Dans un arrêt du 27 juin 2018, la Cour de Cassation a par exemple rappelé qu’un acte de vente réalisé par une personne placée en curatelle renforcée peut être contesté par les héritiers. Ces derniers sont en effet recevables à agir en nullité de l’acte « sans qu’il soit nécessaire d’établir la preuve d’un trouble mental résultant de l’acte lui-même ». La Cour de Cassation estime en effet « qu’il se déduit de la combinaison des articles 414-2, 3°, et 466 du code civil que, dès lors qu’une action a été introduite aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle au profit du contractant, les héritiers peuvent agir en nullité pour insanité d’esprit ». Il semblerait donc que, dans certains cas, la simple mise en place d’une protection juridique suffise à établir l’existence d’un trouble mental.
L’assurance-vie présente quelques particularités. Il convient à ce titre de préciser que l’action en nullité des héritiers pour insanité d’esprit du souscripteur d’une assurance-vie se prescrit par un délai de cinq ans à compter de son décès, et non à compter de la date de souscription de l’acte contesté (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 mars 2013, 11-28.318). En effet, si l’article L114-1 du Code des assurances dispose que le délai de prescription est porté à dix ans lorsque le bénéficiaire de l’assurance-vie est une personne distincte du souscripteur, la Cour de cassation a considéré que le bénéficiaire qui exerce une action en nullité pour insanité d’esprit agit en tant qu’ayant droit du souscripteur, de sorte que l’action est soumise à la prescription de droit commun qui est de cinq ans (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 juillet 2016, 14-27.148).
La preuve de l’insanité d’esprit pourra être librement rapportée par les héritiers : témoignages, experimentéises médicales, etc. Le juge aura alors la charge d’apprécier la teneur des éléments de preuves pour déterminer l’état mental du défunt au moment où les actes litigieux ont été faits.