A la suite du décès d’un proche, vous découvrez l’existence d’un testament olographe. Ce testament concernant l’ensemble de son patrimoine vous laisse perplexe quant à sa signification, d’autant plus que le défunt avait de son vivant souscrit un contrat d’assurance-vie. Le testament prenait-il aussi en compte l’assurance-vie ? Focus sur ce que vous devez savoir.
Un testament doit normalement exprimer clairement les dernières volontés du défunt. Cependant, la rédaction du testament sème parfois le doute dans la mesure où certaines dispositions peuvent être interprétées différemment. Ainsi, il est difficile de savoir si ces legs portent sur l’intégralité des biens du défunt ou uniquement sur une partie (par exemple, le testament ne portait uniquement sur les biens mobiliers ou immobiliers seulement, ou encore sur tous les types de biens…).
Seul le juge pourra trancher cette question. Lorsque les dispositions du testament sont ambiguës, il pourra par exemple s’appuyer sur un faisceau d’indices afin d’interpréter la volonté du défunt.
Un arrêt de la Cour de cassation, mêlant testament et assurance-vie, illustre cette situation (Cass, 1re , 10 février 2016, n°14-27.057).
Dans cette affaire, un couple avait souscrit ensemble un contrat d’assurance-vie et avait désigné comme bénéficiaires successifs « nos enfants respectifs nés ou à naître, à défaut de l’un décédé avant ou après l’adhésion pour sa part ses descendants, à défaut les survivants, à défaut nos héritiers ».
Or l’épouse, décédée en dernier et sans descendance, avait rédigé un testament olographe dans lequel elle instituait « légataires universels en usufruit » ses nièces ainsi que son frère, et comme « légataires universels en nue-propriété » leurs enfants vivants ou à naître.
Au décès de l’épouse, le frère de la défunte était son plus proche parent et donc a priori le seul héritier légal (C.Civ, art 734). Le code civil prévoit en effet, que les parents à succéder après les enfants et leurs descendants, sont « les père et mère, les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ». La cour d’appel a elle-même jugé que le frère, « en sa qualité de seul parent collatéral au second degré de la défunte, a seul la qualité d’héritier ». Suivant ces constatations, la compagnie d’assurance n’a versé le capital qu’au frère.
Cependant, les autres légataires s’estimant aussi « héritiers » et donc bénéficiaires de l’assurance-vie ont contesté ce versement. S’ouvre alors une longue procédure judiciaire pour savoir qui peut prétendre au capital de l’assurance-vie.
L’assurance-vie est devenue source de conflits alors qu’au décès de l’assuré, elle se place en principe hors succession (C.assur, art. L132-12). Il n’en demeure pas moins que dans certains cas très limités, l’assurance-vie peut être réintégrée à la succession. Certaines choses sont alors à savoir.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation fait tout d’abord le point sur les legs démembrés : « les legs portant sur la nue-propriété et l’usufruit de l’ensemble des biens composant la succession et ceux portant sur la nue-propriété de ces biens, constituaient des legs universels » et non pas des legs à titre universel.
Piqûre de rappel : le leg universel est « la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l’universalité des biens qu’il laissera à son décès » (C.civ, art.1003) alors que le leg à titre universel est « celui par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu’une moitié, un tiers ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son immobilier » (C.civ, art.1010). En d’autres termes, le légataire universel reçoit l’intégralité des biens du testamentaire alors le légataire à titre universel n’en reçoit qu’une partie.
La Cour de cassation sanctionne ainsi le raisonnement de la cour d’appel pour avoir considéré le frère de la défunte comme seul « héritier » de la succession parmi les légataires à titre universel, et donc seul bénéficiaire de l’assurance-vie. En effet, pour la cour d’appel, en l’absence de légataire universel, le frère aurait eu seul la qualité d’héritier au sens de la loi. Les légataires à titre universel ne constituent en aucun cas des héritiers légaux.
La Cour de cassation précise ensuite que lorsque les « héritiers » de l’assuré sont les bénéficiaires désignés de l’assurance-vie, les juges du fond devaient rechercher si la défunte avait eu la volonté ou non de faire bénéficier les légataires de l’assurance-vie.
Le mot « héritier » inséré dans la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie ne correspond pas forcément à l'héritier désigné par la dévolution successorale ou au légataire universel. C’est maintenant la cour de renvoi qui doit rechercher la volonté exacte du défunt. Sachez cependant, qu’il est possible que votre héritier soit également légataire voire donataire au fil des années.
Pour mémoire, le souscripteur d’une assurance-vie peut, en l’absence d’acceptation par le ou les bénéficiaires désignés, modifier la clause bénéficiaire à tout moment de plusieurs façons, notamment par voie testamentaire. Pour une gestion optimale du contrat d’assurance-vie, mieux vaut ne pas prévenir les bénéficiaires à l’avance. Cela permet une gestion libre du contrat.
Ainsi l’assurance-vie intégrée à un testament olographe peut s’avérer complexe. Mieux vaut bien réfléchir avant de souscrire un contrat d’assurance vie ou encore choisir le testament adéquat.
Source : légifrance.fr, « Cass, 1re, 10/02/2016, n°14-27.057 ».