Focus sur les suites d’une affaire opposant les héritiers d’un collectionneur et la Fondation du même nom. Après avoir étudié les arguments des héritiers, la Cour d’appel les déboute de leurs demandes. Cet arrêt est aussi l’occasion de s’interroger sur la qualification ou non d’œuvre pour une collection, argument que soulevaient les appelants.
Avant de se pencher sur l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, revenons sur les faits qui ont conduit les héritiers d’un collectionneur à saisir les tribunaux.
En 1976, un collectionneur avait fait une donation et confié la gestion de sa collection à une Fondation créée par un membre de sa famille plusieurs années auparavant.
Après le décès du collectionneur, ses héritiers, résidents français, ont assigné la Fondation pour non-respect de la volonté du défunt collectionneur, devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris. Ils contestent notamment la suppression du mémorial de l’un des enfants du collectionneur, le déplacement des œuvres, le prêt de tableaux pour des expositions itinérantes et l’exposition d’œuvres non choisies par le défunt.
Le 7 décembre 1994, le TGI de Paris avait déjà rendu un jugement qui avait conduit à rejeter les prétentions des héritiers. Ces derniers s’étaient finalement désistés de leur appel en signant une transaction avec la fondation en 1996.
En 2013, les héritiers du collectionneur considèrent que le Protocole signé en 1996 n’a pas été respecté par la Fondation en raison d’une nouvelle division de la collection.
Ils saisissent à nouveau le TGI de Paris afin de demander la remise en état intégral de la collection, la révocation de la donation de 1976 et faire constater et indemniser l’atteinte au droit moral du collectionneur.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris, par un jugement du 2 juillet 2014, après s’être appuyé sur l’inventaire des œuvres et de leurs dispositions dressé par un huissier désigné en justice, déboute les héritiers de leurs demandes.
Certains héritiers décident de faire appel, excepté pour la révocation de la donation. C’est dans ce contexte que la Cour d’appel de Paris a eu à se prononcer le 23 septembre 2015.
Elle a relevé dans un premier temps que l’article 3 du Protocole transactionnel conférait le droit exclusif de contrôler la collection et l’exposition des œuvres, à la Fondation, sans qu’aucune restriction ne soit prévue. Partant de ce constat, la Cour d’appel en a déduit que les manquements reprochés à la cette dernière n’étaient pas caractérisés.
Les appelants reprochaient également à la Fondation d’avoir profané la sépulture du défunt en apposant des plaques de collectionneurs dans les jardins l’entourant et en en faisant un lieu commercial qu’il est possible de privatiser pour en organiser des événements mondains.
La Cour d’appel a relevé que le défunt n’avait émis aucune instruction quant aux arrangements de sa sépulture et qu’elle en concluait à l’absence d’atteinte matérielle et immatérielle à la sépulture.
Autre argument soulevé par les héritiers : l’atteinte au droit moral du collectionneur défunt dont ils seraient les titulaires. À travers cet argument, ils souhaitaient que les juges reconnaissent la qualité d’œuvre à la collection et faire appliquer le droit d’auteur.
La Cour d’appel ne les a pas suivis en considérant que « les appelants […] doivent être déboutés de leurs demandes [visant à faire valoir] que la collection […] est une œuvre de l’esprit […] et qu’ils sont titulaires du droit moral sur cette œuvre ». Les juges ont uniquement centré leur arrêt sur la sphère contractuelle.
Ce dernier point amène à s’interroger sur la possibilité pour une collection d’être reconnue comme une œuvre protégeable par le droit d’auteur.
La jurisprudence sur la qualification d’une collection au titre d’œuvre protégeable par le droit d’auteur est peu fournie. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 octobre 1997 est néanmoins à citer.
Dans cette affaire il s’agissait de déterminer si une exposition était une œuvre protégeable par le droit d’auteur ou non. La Cour d’appel a relevé que dans cette affaire le défunt avait sélectionné les objets et projections composant l’exposition et qu’il en avait aussi « imaginé la présentation dans un ordre et selon une scénographie originale ».
Pour les juges « il ne s'agit pas ainsi d'une simple présentation méthodique d'éléments relatifs à l'histoire du cinéma, mais d'une création résolument personnelle, exprimant à la fois l'imaginaire [du défunt] et ses conceptions propres de l'histoire du Cinéma et reflétant ainsi sa personnalité ; que le caractère original de cette création est accentué par le fait que lors de sa réalisation, il n'existait aucun autre musée présentant l'histoire du cinéma et que celui imaginé par [le défunt] a servi de modèle et de référence ». La Cour d’appel en a donc conclu que « peu important le statut juridique des objets la composant, l'exposition reprenant le nom du défunt, création originale de son auteur et qui fait appel aux qualités intellectuelles et de sensibilité de ses visiteurs, constitue une œuvre de l'esprit dont la reconnaissance n'exige pas qu'elle présente un caractère collectif ou intangible ».
Ainsi une collection peut être reconnue comme étant une œuvre protégeable par le droit d’auteur dès lors qu’elle est originale.