En application de diverses dispositions issues de la Loi de finances rectificative pour 2008, ayant pour but d'instaurer une meilleure "sécurité juridique des contribuables", l'Administration fiscale vient de mettre en place à titre expérimental un dispositif de vérification anticipée, basée sur le volontariat !
A l'opposé du bon vieux contrôle successoral à l'initiative du fisc, cette approche s'avère particulièrement révolutionnaire en comparaison des règles qui président au déroulement de la procédure habituelle.
Concrètement, les héritiers et autres ayants droit ont la possibilité pour les successions déclarées depuis le 1er Janvier 2009, de régulariser leur situation rapidement et de manière plus responsable, en prenant les devants au lieu d'avoir la crainte pendant au moins 3 ans, de subir la vérification traditionnelle (voir article I. consacré à ce "bon vieux contrôle").
En attente de l'Instruction (Bulletin officiel des Impôts ou B.O.I.) relative aux modalités pratiques exactes de ce contrôle successoral préventif, les dispositions prévues à l'article L. 21 B. du Livre des procédures fiscales, applicables également en matière de donation, méritent des explications car elles ne se caractérisent pas par leur limpidité :
Les signataires de la déclaration de succession peuvent solliciter auprès de l'Administration fiscale, un contrôle de l'ensemble des énonciations mentionnées dans ce document.
Cette demande n'est recevable que si elle est signée par les héritiers et autres ayants droit, bénéficiaires au total, d'au moins un tiers de l'actif successoral net déclaré.
Ainsi, dans le cadre de la recherche d'une plus grande "transparence", langage à la mode depuis quelque temps à la Direction générale des Finances publiques, les redevables "préviennent le fisc" qu'ils se mettent en quelque sorte à sa disposition pour avoir son aval, et procéder aux rectifications des erreurs éventuellement commises dans la déclaration successorale.
Deux conditions essentielles sont nécessaires pour que cette requête soit recevable :
La déclaration de succession doit être souscrite avant la réception d'une mise en demeure.
La demande doit être présentée au plus tard dans le délai de 3 mois suivant l'enregistrement de cette déclaration.
Le fisc dispose alors d'un an pour donner suite à la demande des redevables.
Cette période d'un an est prorogée, le cas échéant, du délai qu'utilise les héritiers pour répondre aux demandes de justifications de la part du Service des Impôts, pour la partie excédant le délai de 30 jours visé à l'article L. 11 du L.P.F., ainsi que du délai nécessaire à l'Administration pour recevoir les renseignements demandés (dans le cadre de l'assistance fiscale internationale) aux autorités étrangères lorsque des biens situés hors de France figurent dans la déclaration successorale.
Au-delà de cette durée d'1 an, éventuellement prorogée des délais précités, aucun rehaussement quelconque ne peut être notifié par rapport aux éléments portés dans la déclaration de succession, et celle-ci se trouve donc automatiquement validée.
Cependant, il y a "un mais" comme souvent en matière de dispositions fiscales.
La garantie dont les héritiers peuvent se prévaloir, résultant du silence observé par le fisc, c'est à dire l'assurance qu'on ne viendra pas les importuner à l'intérieur du délai explicité précédemment, ne s'applique pas à certaines rectifications.
C'est ainsi que le Service des Impôts se réserve la possibilité, et cette fois-ci dans le cadre du contrôle successoral habituel, de procéder à des rehaussements postérieurement à ce délai, s'ils se rapportent aux cas suivants :
a) s'il est constaté des omissions de biens meubles ou immeubles, et autres valeurs à l'actif successoral.
b) suite à la remise en cause d'une exonération ou d'un régime de taxation favorable, en
raison du non-respect d'une condition ou d'un engagement prévus pour en bénéficier.
Cette "clause suspensive" stipulée expressément à l'article L. 21 B. III. 2° du L.P.F., rédigée en termes sibyllins, qui autorise alors l'Administration fiscale à redresser de manière traditionnelle, méritera bien entendu une analyse attentive lors de la sortie du Bulletin officiel des Impôts évoqué en introduction.
c) si les redressements sont proposés dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 64 du L.P.F.
Pour cette dernière condition, il paraît indispensable d'apporter des précisions aux "non-professionnels" de la fiscalité.
Pour "faire court" par rapport au caractère quasiment illisible des dispositions de l'article L. 64 du L.P.F., la procédure susvisée appelée "procédure de l'abus de droit fiscal", terminologie qui a pris le relais très récemment (dans le cadre des fameuses "subtilités linguistiques" qui perdureront a priori à tout jamais …) de "procédure de répression des abus de droit", consiste pour les Services des Impôts à remettre en cause des avantages fiscaux obtenus selon eux, en contravention avec l'esprit même des textes.
Après avoir évoqué le fait que le fisc n'a plus le droit d'entreprendre, sous réserve que soient réunies certaines conditions, une quelconque vérification au-delà du délai d'1 an, il convient d'expliquer les conséquences qui résultent de la suite favorable donnée à la demande des héritiers et autres ayants droit.
Si le contrôle fiscal successoral "autogestionnaire" est effectué, l'Administration fiscale invite simplement les redevables à régulariser les erreurs constatées par rapport aux éléments mentionnés dans la déclaration successorale, et les rappels de droits ne supportent dans ce cas, aucune pénalité de retard.
Corrélativement, en application de la logique du dispositif, les droits de succession éventuellement réglés à tort lors du dépôt de la déclaration seront remboursés par le Service des Impôts.
Sans vouloir préjuger de "l'audience" que va réaliser le contrôle fiscal successoral sur demande, ce dispositif novateur expérimenté officiellement jusqu'au 31 Décembre 2011 qui se veut à l'origine très prometteur, recèle bien des restrictions.
Mais cette impression est peut-être à mettre sur le compte d'un défaitisme ambiant. Et nous n'avons pas à juger, et encore moins à condamner un essai qui peut participer à éviter des tensions inutiles entre les contribuables et l'Administration fiscale.
Espérons simplement qu'à l'issue de la phase expérimentale, le choix de reconduire ou pas, ces nouvelles dispositions, ne soit pas dicté exclusivement par des impératifs budgétaires, inhérents au "rendement des rappels de droits de succession et de donation". Il serait en effet pour le moins dommageable que la tentative de responsabiliser un peu plus les redevables soit abandonnée au seul motif que le dispositif mis en place "ne rapporterait pas assez" !