Lorsque le défunt établit un testament, il n’envisage pas forcément tous les litiges pouvant apparaitre entre les héritiers réservataires et les légataires. Or, ils sont fréquents. En effet, deux logiques s’opposent : la volonté du testateur et les règles de dévolution légale. Le 20 juin 2012, la Cour d’appel de Paris a dû trancher un litige entre un héritier réservataire qui ne voulait pas délivrer les biens de la succession au légataire universel.
Une personne est décédée le 10 juin 2008 en laissant pour héritier réservataire sa fille et pour légataire universel son épouse. Le défunt avait institué sa femme légataire universel par testament olographe datant du 2 mars 1989.
En vertu de l’article 1004 du Code civil, la compagne du défunt avait demandé à deux reprises la délivrance du legs universel mais la fille avait conservé de manière volontaire les biens qui étaient en sa possession. Par ailleurs, elle n’avait pas mis les clefs de la maison de son père à disposition de sa belle-mère.
Les litiges entre héritier réservataire et légataire universel sont courants. Le légataire universel recueille l’intégralité des biens du défunt. Or, le legs universel peut entamer la part réservataire à laquelle l’héritier en ligne direct a droit. Parfois, le litige n’est pas dû à la valeur financière mais à la valeur sentimentale que chaque bien peut avoir pour l’une ou l’autre des parties.
En l’espèce, la fille avait conservé en sa possession les biens « en attente des conseils de son avocat ». Elle avait réclamé une réduction en valeur, c’est-à-dire le versement d’une indemnité par la compagne de son père pour compenser la part qu’elle aurait dû recevoir. Cependant, la Cour d’appel de Paris a jugé que les droits de l’héritier réservataire ne dépendaient pas du legs universel fait par le père au profit de sa compagne.
La Cour a rappelé que l’héritier réservataire n’a pas à maintenir les biens de la succession en son emprise. Il ne peut s’opposer à la délivrance des biens qu’en cas de motif sérieux. Or, dans le présent cas, il n’y avait aucun motif sérieux à l’opposition de la fille à délivrer les biens.
Il en résulte de l’attitude de la fille que cette dernière a pu engager sa responsabilité. La Cour a jugé que : « L’héritier qui retarde indûment la délivrance [du leg] engage sa responsabilité ». Du fait de la non délivrance du legs, la femme du défunt n’a pas pu profiter du son droit.
L’usage privatif des biens de la succession fait par la fille a donc entrainé un préjudice pour l’épouse, notamment la fait de devoir payer de pénalité de retard à l’administration fiscale puisqu’elle n’avait pas pu faire les démarches nécessaires auprès du fisc. La Cour a rajouté que, face au comportement récalcitrant de la fille, la veuve n’avait pas eu d’autre choix que de saisir le juge.
Par ailleurs, la fille s’était également approprié tous les droits sur la maison en conservant les clefs en sa possession. Ainsi, la femme n’avait pas pu user de son droit de profiter de la maison et des différents biens de son défunt mari. Dès lors, la Cour d’appel de Paris a condamné la fille au versement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts ainsi que l’obligation de mettre les clefs de la maison à disposition de la compagne.
Lorsque dans une succession il existe des personnes ayant le statut d’héritier réservataire et d’autres celui de légataire universel, la succession s’annonce difficile. En effet, bien souvent les deux s’opposent.