La récente affaire Liliane Bettencourt, héritière de l'Oréal, nous le rappelle : certains héritiers peuvent soupçonner l'entourage de leurs parents de les spolier ou de leur conseiller des investissements douteux. Dans cette hypothèse, un placement sous tutelle ou curatelle peut être envisagé, de manière à protéger la personne qui n'est plus à même de sauvegarder par elle-même ses intérêts. Mais une question se pose alors : qui peut être nommé tuteur ou curateur ?
Il résulte de la loi que le choix du majeur incapable doit être pris en considération en priorité.
L'article 448 du Code civil prévoit en effet que « La désignation par une personne d'une ou plusieurs personnes chargées d'exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où elle serait placée en curatelle ou en tutelle s'impose au juge ».
Ce principe connaît cependant certains tempéraments, énoncés par la suite de l'article. Le choix de la personne protégée ne trouvera pas à s'appliquer :
Il est évident que la majorité du temps, la personne qui doit être faire l'objet d'une mesure de protection, n'a pas anticipé le placement sous tutelle, et n'a pas pris ses dispositions, à une période où elle était en pleine possession de ses moyens, pour désigner celui à qui devra incomber la mission de tuteur ou de curateur.
Il est également fréquent que la personne à protéger ne soit pas en mesure, au moment où la mesure de protection est envisagée, de désigner un tuteur conformément à ses intérêts.
Dans ce cas, les dispositions légales des articles 449 et 450 du Code civil trouveront à s'appliquer.
L'article 449 du Code civil prévoit qu' « à défaut de désignation faite en application de l'article 448 du Code civil, le juge nomme, comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure.
A défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé et entretenant avec lui des liens étroits et stables ».
Priorité est donc donnée à la désignation d'un parent ou d'une personne proche pour endosser le rôle de tuteur ou de curateur.
Cependant, la situation familiale est parfois telle qu'il n'est pas souhaitable de confier la tutelle ou la curatelle à un membre de la famille.
C'est à ce type de situation qu'a été confrontée la Cour d'appel de Toulouse à plusieurs reprises en 2010.
Dans une première espèce, une fille avait saisi le juge des tutelles pour que celui-ci prononce une mesure de protection en faveur de sa mère. Au cours des débats, la fille avait clairement manifesté sa volonté de couper les relations de sa mère avec les autres enfants de la fratrie.
Le juge saisi avait alors rappelé que le tuteur a notamment pour mission de permettre à la personne protégée de conserver ses liens avec la famille, et non de les entraver.
Dans une seconde affaire, la majeure à protéger s'était formellement opposée à la désignation de sa fille en tant que tutrice, et les juges étaient parvenus à démontrer que la désignation de cette fille ne permettait pas de garantir la préservation des intérêts.
La Cour d'appel de Toulouse n'avait donc pas retenu la fille comme tutrice.
Ces jurisprudences font une application parfaite du dernier alinéa de l'article 449 du Code civil, lequel prévoit que « Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci [le majeur à protéger], ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage ».
Si la sauvegarde des intérêts du majeur à protéger ne peut se concilier avec la désignation d'un proche en tant que tuteur, le magistrat dispose de la possibilité de nommer un parfait étranger.
L'article 450 du Code civil prévoit que « Lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle, le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article 471-2 du code de l'action sociale et des familles. Ce mandataire ne peut refuser d'accomplir les actes urgents que commande l'intérêt de la personne protégée, notamment les actes conservatoires indispensables à la préservation de son patrimoine ».
Dans un contexte familial difficile, la nomination d'un tiers peut parfois s'avérer souhaitable, pour une gestion dépassionnée des intérêts de l'incapable majeur.