Depuis la dénonciation de la convention fiscale Franco-Suisse, au 1er janvier 2015, la question de la loi applicable à une succession ouverte a pris de l’importance. La raison ? En l’absence de volontés expresses du défunt, les juridictions françaises et suisses se disputeront leur compétence ! Plusieurs critères sont pris en considération afin de déterminer la loi compétente. Quels sont donc ces éléments ?
Pour toute succession ouverte à compter du 1er janvier 2015, sans précision du défunt, ni convention bilatérale entre Etats, déterminer la loi applicable est devenu une tâche compliquée. Cette qualification va engendrer des conséquences sur plusieurs pans, ne serait-ce déjà concernant la question du lieu de dépôt de la déclaration de succession.
Plusieurs démarches peuvent être à entreprendre si vous êtes appelé à une succession internationale amenée à prendre une certaine ampleur (complexité, héritiers éparpillés, mésentente entre héritiers, etc.…).
Il convient de préciser que les règles relatives à la qualification de la qualité d’héritier ainsi que celles concernant la dévolution varient d’un État à un autre.
À titre indicatif, le droit suisse distingue, comme son voisin français, les héritiers réservataires des héritiers « simples ». Cependant, les dispositions relatives à l’ordre d’intervention des héritiers divergent entre le Code civil suisse et le Code civil français.
En effet, le code suisse fait application du principe dit de « la parentèle » qui dicte un ordre précis : interviennent en premier les descendants, puis les parents et enfin les grands-parents. Ce système se rapproche fortement du droit français, sauf que certaines règles restent propres à chaque État.
Autre point de divergence entre les deux systèmes légaux, le droit suisse refuse de reconnaître le droit au conjoint survivant de récupérer la totalité de la communauté par contrat de mariage.
Par ailleurs, la Suisse étant divisée en cantons qui appliquent chacun des règles propres.
Outre le point de vue civiliste (détermination de la qualité des héritiers, ordre, etc.…), l’enjeu se situe également au niveau fiscal. En effet, notez que dans certains cas, les dispositions légales suisses peuvent être plus avantageuses que celles issues de la législation française, notamment lorsque sont concernées les questions de paiements des droits de succession, les droits de mutation.
Pour toute succession internationale ouverte à compter 17 août 2015, le règlement européen de 2012 aura vocation à s’appliquer, et ce, sous certaines conditions (notamment le dernier domicile du défunt doit se trouver dans l’un des pays signataires).
En principe, il convient de se référer dans un premier temps aux dernières volontés du défunt.
En l’absence de toute indication (dispositions à cause de mort : testament, etc.…), la détermination de la loi applicable se fait en référence aux règles présentes dans le règlement européen. Il résulte de ce texte international que la loi sera celle du dernier domicile du défunt, à moins que de son vivant, il présentait un lien de rattachement plus fort pour un autre État.
Si le défunt avait son domicile en France, l’article 720 du Code civil français prévoit que la succession s’ouvre selon la loi française. Dans le cas où le domicile était fixé en Suisse, l’article 538 du Code civil Suisse du 10 décembre 1907 prévoit que la succession est régie par le droit suisse pour la totalité des biens.
Il n’est pas rare qu’au moment de l’ouverture de la succession, les héritiers soient en désaccords sur la désignation de la loi applicable.
A titre illustratif, votre proche décède en France, mais il avait fixé, pour des raisons notamment fiscales, sa résidence principale en Suisse ; le principe veut que la loi suisse connaisse de sa succession. Cependant, certains héritiers n’hésiteront pas à saisir les juridictions françaises et suisses pour faire valoir de la compétence des juridictions et de la législation françaises, en faisant valoir les exceptions d’incompétence des articles 42, 75 et suivants du Code de procédure civile (CPC). Ils étayeront leurs arguments en produisant l’état de situation des biens mobiliers et immobiliers détenus par le défunt que le défunt passait la majorité de son temps en France (entre autres telles que la souscription à des clubs, abonnements, les factures téléphoniques…).
Vous devrez alors produire les éléments nécessaires permettant d’établir un lien de rattachement plus fort avec la loi du pays (ici la France).
Les juges français apprécient le dernier domicile du défunt en France en se basant sur l’existence de faisceaux d’indices comme l’existence de comptes bancaires, la possession de véhicules et d’immeubles sur le territoire français (CAA. Paris. 30 juin 2015, n°12PA03043).
Dans le cas où des comptes bancaires détenus par le défunt ont été localisés en Suisse, cette indication ne sera pas seule suffisante pour établir un lien de rattachement avec les juridictions suisses (cas où le défunt avait fixé son dernier domicile en Suisse pour des raisons fiscales : CA. Paris. 8 janvier 2009, RG n°07/15593).
Il en ressort que la détermination de la loi applicable déprendra des éléments fournis aux juges saisis de l’affaire et de leur appréciation souveraine. Les conflits de lois seront tranchés en application des règles de droit interne de l’État appelé à en connaître.