Vous souhaitez donner de l’argent ou un bien à un proche sans avoir à payer de droits de donation ? Sachez que c’est en principe possible. Il s’agira d’un présent d’usage ou d’un don manuel. Si le montant du présent est disproportionné par rapport à vos revenus et à votre patrimoine, ou qu’il est effectué en dehors d’une occasion particulière, l’Administration fiscale pourra considérer qu’il s’agit d’un don manuel. Les conséquences pourront alors être de taille. Des précisions sont nécessaires.
Le don manuel permet à toute personne de donner des sommes d’argent ou des biens, autres qu’immobiliers, sans établir d’acte de donation. Généralement le don manuel se fait de la main à la main et ne requiert donc aucune formalité particulière. Il n’en demeure pas moins qu’il peut également s’agir d’un virement bancaire.
Le don manuel est une donation. Il doit à ce titre être déclaré à l’Administration fiscale et soumis aux droits de mutation.
Le don manuel se distingue de ce fait du présent d’usage qui n’est pas soumis aux droits de mutation à titre gratuit. Dans un arrêt du 6 décembre 1988, la Cour de cassation a défini le présent d’usage comme un cadeau « fait à l’occasion de certains évènements, conformément à un usage, et n’excédant pas une certaine valeur » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, 6 décembre 1988, 87-15.083). Ainsi, un présent d’usage peut être fait à l’occasion d’évènements tels qu’un mariage, une naissance, un anniversaire, un Noël, etc. Le montant du présent devra quant à lui être apprécié en fonction des revenus, du niveau de vie et du patrimoine du donateur au moment du cadeau. Dans le cas où les juges estimeraient que le montant du présent est disproportionné, ce dernier pourrait être considéré comme un don manuel et devrait de ce fait être déclaré à l’Administration fiscale.
D’un point de vue civil, le don manuel est considéré comme un acte de donation. Il devra être pris en compte au moment du règlement de la succession du donateur. En l’absence de testament, l’égalité entre héritiers devra donc être respectée. Un héritier réservataire qui s’estimerait lésé pourrait introduire une action en réduction des libéralités afin que sa réserve héréditaire soit respectée. En outre, si le donataire est également héritier, il pourra être présumé avoir perçu le don manuel en avancement d’héritage. Les cohéritiers pourraient alors en demander le rapport à la succession afin qu’il soit réintégré à la masse successorale.
Le montant à prendre en compte au moment de la succession dépendra de la nature du don manuel. Ainsi, s’il s’agit d’une somme d’argent, le moment du don sera rapporté, sans réévaluation. Si la somme a servi à l’acquisition d’un bien, la donation est rapportée en fonction du prix dudit bien au moment de la succession. Enfin, si un bien a été donné, il faudra prendre en compte la valeur du bien au moment de la succession, selon son état à l’époque de la donation.
Au même titre que toutes les autres donations, le don manuel doit en principe être déclaré à l’Administration fiscale. Le formulaire CERFA n°2735 doit à cet effet être transmis dans le délai d’un mois après la remise effective du don.
Les services fiscaux sont généralement vigilants aux dons manuels et le risque de redressement fiscal est important. Ainsi, une grande différence entre les revenus déclarés par un contribuable et les ressources investies ou dépensées pourrait alerter l’Administration sur l’existence d’un don manuel. Chaque contribuable doit de ce fait être en mesure de justifier de l’origine des fonds dont il dispose, soit pour prouver qu’il s’agit d’un don manuel et non de revenus non déclarés, soit pour démontrer qu’il ne s’agit pas d’un don manuel dissimulé à l’Administration fiscale.
S’il peut être tentant de ne pas déclarer un don manuel, il ne faut pas oublier que l’Administration fiscale est vigilante et que personne n’est à l’abri d’un contrôle fiscal successoral au moment du règlement d’une succession. Les conséquences fiscales peuvent alors s’avérer considérables. En effet, si les services fiscaux parviennent à prouver que le don leur a volontairement été dissimulé, les droits pourront être assortis d’intérêts de retard et de pénalités pouvant atteindre 80%.
De plus, depuis le 31 juillet 2011, le montant à déclarer est le montant le plus élevé entre le jour de déclaration et le jour où le bien est donné. En cas de plus-value, les droits à payer risquent donc d’être plus importants que si le don manuel avait été transmis aux services fiscaux au moment de la remise du bien. L’enregistrement du don lui confère une date certaine et permet donc de lui donner une valeur certaine à la date de déclaration.
Le calcul des droits de donation pourra être impacté par la règle du rapport fiscal. En effet, la déclaration adressée à l’Administration fiscale devra faire mention des donations consenties pendant les 15 dernières années par le donateur au bénéficiaire. Un parent a la possibilité de donner 100 000 € à chacun de ses enfants tous les 15 ans. A noter qu’il existe un abattement supplémentaire de 31 865 € pour les dons d’argent. Chaque parent peut donc donner 131 865 € à chacun de ses enfants tous les 15 ans sans avoir à payer de frais de donation. Le fait de déclarer le don manuel à l’Administration fiscal permet de faire courir ce délai de 15 ans.
Si les dons manuels présentent des avantages considérables. Ils peuvent toutefois être source de contentieux non seulement entre héritiers, mais également avec l’Administration fiscale. L’assistance d’un professionnel du droit pourra alors s’avérer nécessaire pour régulariser la situation.