En matière de succession, il est fréquent que l’anticipation soit source de tranquillité. A cet égard, le mécanisme de la donation-partage est roi en ce qu’il permet au de cujus d’organiser de son vivant la transmission de son patrimoine à ses descendants. Une soulte peut d’ailleurs être prévue pour compenser toute inégalité lors du partage. Toutefois, la liberté contractuelle peut se trouver entravée par les dispositions d’ordre public du Code civil. Focus sur ce que vous devez savoir.
Tout d’abord, en matière de succession la soulte désigne une somme d’argent versée par un héritier à un autre héritier pour compenser une inégalité non justifiée dans la répartition de l’actif successoral. Ce principe trouve son fondement dans l’article 826 du Code civil. Le montant de cette soulte peut varier suivant un indice fixé conventionnellement, conformément à l’article L.112-2 du Code monétaire et financier. Pour autant, peut-elle être fixée conventionnellement en toute liberté ? C’est à cette question que la Cour de cassation a dû répondre en 2011. La jurisprudence qui s’en est dégagée n’a pas changé depuis.
Dans un arrêt du 6 juillet 2011 la 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation est venue préciser que « la variation conventionnelle retenue pouvait conduire à une diminution de la soulte tandis que la variabilité légale pouvait aboutir à une augmentation de celle-ci, la cour d’appel en a exactement déduit que la clause conventionnelle de variation de la soulte, en ce qu’elle permettait d’exclure la variabilité légale d’ordre public, devait être déclarée non écrite ».
En l’espèce, un couple avait procédé à une donation-partage de leurs biens entre leurs trois enfants. L'acte stipulait qu'au décès du dernier donateur, un des donataires devrait verser aux deux autres héritiers une soulte. Une des clauses de l'acte prévoyait que la soulte subirait une variation égale à la variation de l'indice du coût de la construction diminuée de 3% par an afin de tenir compte de la vétusté des immeubles.
Cette dernière disposition venait en fait à diminuer la valeur de la soulte alors qu’il existe une variabilité légale de la soulte (article 828 du Code civil) qui aurait, elle, conduit à une augmentation de la soulte.
La décision de la Cour de cassation s’entend légalement. Il s’agit là d’une volonté d’éviter que des clauses permettant de payer un prix de soulte dérisoire ou trop faible par rapport à l’avantage octroyé par le partage à un héritier.
Mais alors que dit précisément l’article 828 du Code civil, précédemment cité ? Il dispose que la valeur de la soulte peut varier à la hausse ou à la baisse lorsque le débiteur - c’est-à-dire l’héritier avantagé - a obtenu un délai de paiement et qu’à la suite de circonstances économiques, la valeur des biens qu’il a reçus a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage.
En clair, si un héritier est avantagé via l’obtention d’un immeuble lors d’une succession, et que la valeur de l’immeuble augmente de 25% ou plus entre le moment du partage et le paiement de la soulte, celle-ci augmentera de la même proportion. A l’inverse, si l’immeuble perd 25% ou plus entre le partage et le paiement de la soulte, celle-ci diminuera dans les mêmes proportions.
Cette disposition est d’ordre public, d’autant plus en matière de donation partage où l’article 1075-4 du Code civil énonce que « les dispositions de l'article 828, sont applicables aux soultes mises à la charge des donataires, nonobstant toute convention contraire. »