Héritier d’une succession, vous vous demandez si l’assurance-vie souscrite au profit du de cujus (personne décédée), et dans laquelle des deniers communs aux époux ont été investis, entre ou non dans l’actif successoral ? En principe l’assurance-vie est hors succession, mais dans certains cas, elle peut être réintégrée à la succession. L’assurance-vie faisant l’objet d’une évolution juridique et fiscale permanente.
A titre préliminaire, rappelons simplement une distinction importante. Les assurances sur la vie se divisent en deux catégories :
Il existe différents cas dans lesquels l’assurance-vie entre en succession (absence de bénéficiaire désigné, intention libérale du souscripteur : volonté du souscripteur de se dépouiller irrévocablement, primes manifestement exagérées). Ces questions peuvent faire – à elles seules – l’objet d’un développement. Concentrons-nous ici sur les contrats d’assurance-vie non dénoués au moment du décès de l’époux (qui n’est pas l’assuré) et souscrits avec des fonds communs. Ce décès ne déclenche pas le dénouement de l’assurance-vie, le contrat est toujours en cours.
Depuis un arrêt célèbre rendu par la Cour de cassation (arrêt Praslicka du 31 mars 1992), la valeur d’un contrat d’assurance-vie non dénoué doit figurer à l’actif de la communauté en cas liquidation du régime matrimonial (par divorce, ou par suite du décès de l’époux bénéficiaire).
Dans cette affaire, l’époux avait souscrit un contrat d’assurance-vie et payé les primes avec des fonds communs jusqu’à leur divorce. Le bénéfice de l’assurance-vie a été intégralement versé à l’époux, sans que la communauté ne reçoive récompense. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, et décidait que l’époux devait en conséquence récompense à la communauté.
Jusqu’en 2016, la situation n’était pas très différente fiscalement. Une réponse ministérielle dite Bacquet aussi appelée « amendement Bacquet » du 29 juin 2010 avait repris la solution de la Cour de cassation sur le plan fiscal.
Il a été décidé que « la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs fait partie de l’actif de communauté soumis aux droits de succession dans les conditions de droit commun ».
Ainsi, lorsque le contrat a été souscrit avec des fonds communs et que le conjoint de l’assuré est décédé, la valeur du contrat doit être portée à l'actif de la communauté. La masse de la succession est ainsi augmentée de la moitié de la valeur de rachat du contrat d'assurance-vie.
Et lorsque le contrat d’assurance-vie a été souscrit avec les fonds propres du défunt, la valeur intégrale du contrat doit être comprise dans sa succession.
Cette réponse ministérielle Bacquet était fiscalement défavorable aux héritiers du défunt.
Une nouvelle réponse ministérielle « CIOT » publiée au JO le 23 février 2016 a mis fin à la doctrine Bacquet et admet que pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016, la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des fonds communs et non dénoué à la date du décès de l’époux bénéficiaire de ce contrat, ne soit pas fiscalement intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé.
Ainsi, sur le plan fiscal, les héritiers seront totalement exonérés des droits de succession pour la valeur de cette assurance-vie lors du décès de ce parent. Le paiement de l’impôt sera dû lors du décès de l’assuré par les bénéficiaires de l’assurance-vie.
Lorsque les époux sont mariés sous le régime de communauté légale (90% des personnes mariées le sont à défaut d’avoir conclu un contrat de mariage), et qu’ils ont souscrit un contrat d’assurance-vie, des éléments sont à prendre en considération.
Le jeu des récompenses peut notamment être mis en œuvre. Les « récompenses » permettent de compenser les mouvements de valeur qu’il y a pu y avoir pendant le mariage entre les patrimoines propres des époux et la communauté. En effet, le régime de communauté légale fonctionne sur la base de trois masses de biens : une masse commune et deux masses propres à chaque époux. Le Code civil prévoit effectivement que « toutes les fois qu’il est pris sur la communauté une somme (…) et généralement toutes les fois que l’un des époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit récompense ». Inversement, lorsque c’est l’époux qui a tiré profit de fonds communs alors il doit récompense à la communauté.
La Cour de cassation (Civ.1, 22 mai 2007) met en lumière une solution intéressante.
Un homme marié sous le régime légal le 26 octobre 1946 et décédé le 29 mars 1999 avait souscrit quatre contrats d'assurance-vie désignant comme bénéficiaire son conjoint survivant, à défaut ses enfants nés ou à naître et à défaut ses héritiers. Son épouse est décédée le 26 juin 1999 sans avoir accepté le bénéfice des contrats. Ce sont donc les enfants qui sont bénéficiaires.
La Cour de Cassation décide que la succession du défunt devait récompense à la communauté en raison du paiement par cette dernière des primes des contrats d'assurance-vie.
Lorsque le conjoint bénéficie de l’assurance-vie, les sommes qu’il perçoit lui sont propres en vertu du Code des assurances. Néanmoins, lorsque les primes versées sont manifestement exagérées eu égard aux facultés de l’époux souscripteur, il doit récompense à la communauté. Cela signifie que si les primes sont manifestement exagérées, les sommes perçues par le conjoint lui appartiennent en propre, mais la succession devra récompense à la communauté au titre de ces primes exagérées.
L’intérêt de ces dispositions est d’évaluer la valeur du patrimoine du défunt et la répercussion fiscale de celles-ci.
Prenez donc garde aux conséquences juridiques et aux dispositions relatives au rapport de l’assurance-vie à la succession.