Héritier, vous soupçonnez à l’occasion du décès d’un proche le détournement d’une partie ou de l’intégralité de la succession ? Le terme détournement d’héritage peut englober une multitude de situations et il convient de savoir différencier chacune d’entre elles pour mieux y remédier. On distingue en effet l’abus de faiblesse du recel successoral et de la captation d’héritage.
L’abus de faiblesse, établi à l’article 223-15-2 du Code pénal, est le fait de profiter de la vulnérabilité d’une personne afin d’en obtenir un acte ou une abstention susceptible de lui causer un grave préjudice. Cette vulnérabilité vise trois catégories de personnes à savoir les mineurs, les personnes malades, infirmes ou en situation de déficience physique ou psychique, et enfin les personnes en état de sujétion psychologique. L’appréciation de cet état est faite par les juges dans le cadre d’une action en justice. Cet état doit préexister à la commission de l’infraction.
L’abus de faiblesse est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Dès lors que ce dernier est soupçonné, la victime, son tuteur ou curateur, ou encore les proches de la victime, peuvent agir s’ils ont un intérêt à agir. Il peut s’agir par exemple de la diminution ou de la disparition de la part des héritiers dans la succession du défunt.
Afin de faire constater l’abus de faiblesse, il convient tout d’abord de prouver l’état de faiblesse, d’ignorance ou de vulnérabilité de la victime. La preuve se fait par tout moyen, à l’aide par exemple de dossiers médicaux ou de témoignages. Il faut ensuite apporter la preuve de l’élément matériel de l’infraction, c’est-à-dire les manœuvres frauduleuses de l’auteur de l’infraction afin d’en tirer profit. Elles doivent résulter en un acte ou une abstention préjudiciable pour la victime. Cela peut être le cas par exemple de détournement de sommes d’argent, ou encore le fait de convaincre la victime de le désigner comme unique héritier. L’élément moral doit être établi, à savoir la connaissance de son état de vulnérabilité assortie de la volonté d’en tirer profit. Enfin, la victime doit avoir subi un préjudice comme par exemple une perte d’argent ou la disparition de certains de ses biens. Le délai de prescription en matière d’abus de faiblesse est de 6 ans à compter du dernier acte préjudiciable (article 8 du code de procédure pénale ; Crim. 18 sept. 2019, n° 18-85.038).
Faute d’arrangement à l’amiable avec son auteur, il est possible de chercher à récupérer sa part d’héritage par le biais d’une action en justice. L’héritier lésé peut en effet déposer plainte dans un commissariat, ou choisir de saisir directement le procureur de la République du tribunal judiciaire le plus proche. Si l’action publique n’est pas mise en mouvement par ce dernier, il reste possible de procéder à une citation directe au lieu où l’infraction a été commise ou au lieu de résidence du défendeur, ou encore de se constituer partie civile au tribunal judiciaire du domicile du demandeur.
Laissé sans définition dans le Code civil, le recel successoral peut être désigné comme “tout acte, comportement ou procédé volontaire par lequel un héritier tente de s’approprier une part supérieure sur la succession que celle à laquelle il a droit dans la succession du défunt et ainsi rompt l’égalité dans le partage successoral” (Cass. Civ. I, 15 avril 1890, 21 novembre 1955, 20 septembre 2006). Ainsi pour le qualifier, il est nécessaire de prouver qu’un bien qui aurait dû figurer à l’actif successoral a été dissimulé ou soustrait de ce dernier. Il peut s’agir d’une action, comme par exemple le fait de retirer de l’argent du compte bancaire du défunt, ou d’une omission comme celle de ne pas révéler l'existence d’un bien appartenant au défunt. Cet élément matériel doit être assorti d’un élément intentionnel, c’est-à-dire l’intention frauduleuse de rompre l’égalité successorale à son avantage.
Établir le recel successoral permet le cas échéant de récupérer tout revenu produit par les biens recelés depuis le jour de l’ouverture de la succession et de contraindre son auteur à accepter la succession, même dans l’hypothèse où elle serait déficitaire. Il est également possible d’obtenir le versement de dommage et intérêts de l’auteur de l’infraction à ses cohéritiers. Attention : il n’est pas toujours nécessaire de mener une action en justice pour obtenir la restitution des biens et la situation peut parfois se régler à l’amiable entre les héritiers. Le receleur peut également éviter les pénalités attachées à l’infraction dès lors qu’il fait preuve de repentir actif, et restitue spontanément les biens litigieux avant toute poursuite.
Tout héritier, légataire ou créancier peut agir contre le recel successoral. La première étape est de faire établir un inventaire de la succession par le notaire, afin de prouver plus facilement la disparition éventuelle d’un bien du patrimoine du défunt.
La captation d’héritage, proche du recel successoral, s’en différencie par le fait que son auteur n’est pas héritier à la succession. Il s’agit en effet d’un tiers, qui par des manœuvres frauduleuses, détourne à son profit une partie ou la totalité de l’héritage. Il peut s’agir par exemple de la souscription à un contrat d’assurance vie, ou encore de la rédaction du testament en faveur de l’auteur de l’infraction. Dans la grande majorité des cas, le consentement du défunt a été vicié en raison de son état de vulnérabilité, qu’elle soit physique, psychique, due à son âge ou encore à un état de sujétion psychologique.
Dans la plupart des cas, l’auteur de la captation d’héritage est une personne proche de la victime, lui offrant une aide quotidienne afin de mieux l’influencer.
Il convient de noter que certaines professions font l’objet d’une incapacité de bénéficier de dons ou de legs de la part de leurs patients. Il s’agit notamment des professionnels du domaine sociomédical, des tuteurs, des aides à domiciles ou auxiliaires de vie ou encore des ministres du Culte. Toute disposition testamentaire à leur égard sera donc privée d’effets.
Les proches du défunt, héritiers et légataires peuvent agir en justice pour annuler les effets de la captation d’héritage. Ils ont alors le choix entre deux types d’actions : l’action civile ou pénale. Avant d’entamer toute action, il est vivement recommandé de chercher à recueillir le plus d’éléments de preuves possible.
Dans l’hypothèse d’une action au civil, le demandeur devra prouver à la fois la tromperie ou le dol, c’est-à-dire l’intention de l’auteur d’induire sa victime en erreur, ainsi que l’insanité d’esprit durable et profonde du testateur au moment des faits. Cette dernière peut être prouvée par tous moyens. Le délai de prescription pour captation d’héritage est de 5 ans.
Dans l’hypothèse d’une action au pénal, le demandeur devra également prouver cette incapacité juridique de la personne par tout moyen. Une fois encore, la conclusion de l’état de vulnérabilité de la victime revient au juge. Une fois constatée, la captation d'héritage fait encourir à son auteur une peine de 3 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.