La vie est parfois faite de mauvaises surprises, surtout lors du décès d’un membre de votre famille. Parfois même, ce moment est d’autant plus douloureux lorsque vous découvrez que la succession de cet être cher a été réalisée au mépris de vos droits d’héritier. Que faire lorsque vous avez été oublié au moment du règlement de la succession ?
Dans la situation où les dernières volontés du défunt n’ont pas fait l’objet d’un acte officiel (authentique ou sous seing privé), seules les dispositions légales en matière de dévolution successorale affecteront le partage des biens.
Si votre cas est celui de l’époux survivant, sachez que vous pourrez prendre part à la succession quoiqu’il arrive, bien sûr en prenant en compte votre régime matrimonial (l’existence d’un contrat de mariage ou le régime de la communauté réduite aux acquêts étant susceptibles de réduire de manière non négligeable votre part d’héritage) ainsi que l’existence d’autres héritiers tels que des descendants directs.
Dans tous les autres cas, afin de pouvoir prendre part à la succession ou de revendiquer la qualité d’héritier, il est important de prendre en compte l’ordre légal des héritiers. À ce titre, le classement des héritiers successoraux est le suivant :
Si un des héritiers est décédé, son ou ses descendants peuvent, par le mécanisme de la représentation, revendiquer sa part d’héritage.
Il est important de préciser que c’est à l’exclusion de toutes les autres catégories d’héritiers que les héritiers existants et prioritaires héritent.
Ainsi, dans un premier temps, il apparaît important de connaître votre place dans cet ordre en l’absence de testament. En effet, le principe de l’exclusion des catégories non prioritaires d’héritiers pourrait tout simplement vous écarter de la dévolution successorale.
Lorsque la succession a déjà été réalisée (ce qui est généralement le cas lorsqu’un héritier prend conscience qu’il a été oublié), il convient de vous demander si votre qualité d’héritier a été omise de manière volontaire ou involontaire.
Dans le cadre d’une future action dont l’objet sera de faire reconnaître vos droits en tant qu’héritier, il s’agit d’une étape importante puisque, mis à l’écart depuis bien trop longtemps, il se peut que vous ayez du mal à prouver cette qualité.
En l’absence de testament, les héritiers reconnus comme tels sont les héritiers légaux, soit ceux qui disposent d’une preuve d’un lien de parenté ou d’alliance avec le défunt. Si vous estimez posséder pareil lien avec ce dernier, il est primordial de vous procurer ce genre de preuve. Conformément à l’article 730 du Code civil, celle-ci « s’établit par tous moyens ». Nous traitons alors d’une preuve non contentieuse, soit d’un élément qui vous permettra de vous faire reconnaître comme étant un héritier légal, toutefois aucun autre héritier ne doit s’être manifesté.
Dans le but d’obtenir une telle preuve et si vous disposez d’un acte de naissance, un acte d’état civil ou encore un livret de famille qui prouverait cette parenté, vous pouvez recourir à l’assistance d’un notaire. A partir des éléments et documents que vous lui apporterez, cet expert en succession saura établir actes officiels et portant la preuve du lien de parenté que vous aviez avec le défunt. Il s’agira alors pour lui de produire un acte de notoriété ou un intitulé d’inventaire du contenu de la succession qui auront pour effet de présumer de votre qualité d’héritier jusqu’à preuve du contraire.
Si, dans le cas où un testament aurait été rédigé vous estimez avoir été oublié en tant qu’héritier réservataire, soit celui qui a le droit de recevoir une part irréductible de la succession, la simple preuve du fait que vous êtes un descendant du défunt (sont exclus les enfants ayant fait l’objet d’une adoption simple) ou bien son conjoint survivant permettra de recouvrer votre part de réserve héréditaire.
Ce sont les articles 887 à 888 du Code civil qui traitent des cas de nullité du partage successoral. Outre les cas d’annulation = pour violence, dol, erreur (sur l’existence ou la quotité des droits des héritiers ou sur la propriété des biens) et si la réparation de ces vices du consentement ne peut pas être réalisée autrement, ces dispositions visent également le cas de l’annulation pour cause d’omission d’un des cohéritiers.
En d’autres termes, sans demander l’annulation du partage, l’héritier oublié a le droit de demander à recevoir sa part « soit en nature, soit en valeur ». Une réévaluation doit alors être effectuée dans le cadre de la réouverture de la succession.
Lorsqu’en l’absence de testament vous faites face à d’autres héritiers et que vous estimez qu’ils n’ont pas été légitimes à recevoir la part successorale qui leur a été dévolue, il est possible de partir en contentieux, notamment grâce à l’action en pétition d’hérédité devant le tribunal judiciaire du dernier domicile du défunt qui se prescrit sous 10 ans à compter de l’ouverture de la succession. Passé ce délai vous serez considéré comme héritier renonçant.
Non reconnue textuellement, cette action a pourtant fait l’objet d’une consécration jurisprudentielle indéniable à travers le temps, la pratique des juges étant véritablement à l’origine de sa construction.
Ainsi, en tant qu’héritier légal ou légataire universel, il vous est possible de faire reconnaître votre qualité d’héritier à l’encontre de celui ou celle qui se comporte comme le seul et légitime successeur du défunt.
C’est donc une preuve contentieuse du lien de filiation allégué que vous devrez apporter si vous pensez être un héritier légal, un lien qui, rappelons-le, ne pourra pas être établi par une demande de recherche génétique dans le cadre d’une action en pétition d’hérédité (Cass. civ. 1ère, 14 mars 2018, n° 17-12.060).
Ainsi, avant toute action en pétition d’hérédité et si vous ne possédez pas de preuve de filiation (non contentieuse, donc), il vous est nécessaire d’intenter une action tendant à faire établir un lien de filiation pour pouvoir demander une expertise biologique ayant vocation à confirmer l’existence d’un tel lien, soit une mesure qui est de droit dans le cadre de ce type d’action (Cass. civ. 1ère, 27 janvier 2016, n° 14-25.559).
Par la suite, à l’issue de cette action en pétition d’hérédité, vous obtiendrez :
Dans tous les cas, les tiers (non-héritiers) ne devront vous restituer que les immeubles qui vous reviennent, la possession des biens mobiliers valant titre et les actes de disposition effectués par ces derniers pendant tout le temps de l’omission demeurant valables.
Enfin, nous traiterons de la situation la plus fâcheuse qui existe, celle où l’omission d’un héritier fût volontaire. Lorsqu’elle est volontaire, nous nous situons dans le cadre d’un recel successoral. Défini comme « toute manœuvre dolosive, toute fraude commise sciemment et qui a pour but de rompre l'égalité du partage » (Cass. civ. 1ère, 15 avril 1890 : DP. 1890, 1, 437), il vise autant la dissimulation d’un don que celle d’un héritier.
L’article 778 du Code civil oblige le receleur à accepter la succession, à verser les fruits générés par les biens en question aux autres héritiers ainsi que des dommages et intérêts et le prive de sa part sur tous les biens recelés. Il s’agit d’un délit civil, ainsi toute action tendant à la reconnaissance d’un recel successoral devra être intentée dans un délai de 5 ans à compter de la connaissance de la dissimulation. Le demandeur devra apporter la preuve d’une véritable intention de l’un des héritiers de dissimuler l’existence de l’héritier oublié.
Tant dans le fond de votre demande que sur la forme, un héritier oublié devra faire particulièrement attention au souci de la preuve de sa qualité d’héritier légal, sans laquelle il ne récupèrera que très difficilement voire jamais ses droits de succession.
Sources : articles 730, 778, 887 à 888, 2276 du Code civil ; Cass. civ. 1ère, 15 avril 1890 : DP. 1890, 1, 437 ; Cass. civ. 1ère, 27 janvier 2016, n° 14-25.559 ; Cass. civ. 1ère, 14 mars 2018, n° 17-12.060.