Lors de la dévolution successorale vous vous retrouvez avec vos frères et sœurs propriétaires d’un immeuble en indivision. Vous souhaitez savoir si la jouissance de ce bien vous impose de payer à l’indivision une indemnité d’occupation ? Focus sur la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.
L’article 815-9 du Code civil dispose que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires. Toutefois, il ajoute en son alinéa 2 que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
Cette indemnité constitue la compensation pécuniaire à la renonciation subie des autres indivisaires à leur propre droit de jouissance (Civ. 1re, 12 mai 2010, n° 09-65.362). En outre deux conditions cumulatives permettent d’obtenir une indemnité d’occupation, il faut que l’un des indivisaires dispose de la jouissance exclusive et privative du bien indivis en question.
L’indemnité d’occupation est due à l’indivision dès lors que les autres indivisaires sont donc privés de leurs droits. De façon non exhaustive, le fait que le logement soit habité par une autre personne, un tiers, n’exempte pas d’indemnisation. De même, l’indemnité est due même sans occupation effective des lieux. La mise en location saisonnière du bien indivis par un seul des indivisaires est aussi passible de dédommagements. Ou à l’inverse le refus d’un seul des indivisaires de mettre en location le bien indivis peut être passible d’une indemnité d’occupation.
Attention, si vous êtes lésé en tant qu’indivisaire vous avez 5 ans pour réclamer une indemnité d’occupation (art. 815-10 du Code civil), après quoi votre action sera prescrite.
En l’occurrence, la Cour de cassation s’est penchée récemment sur la question. En l’espèce, un homme décède et laisse pour lui succéder son épouse et ses deux enfants, un fils et une fille. Une série de différends naissent alors au sujet du partage de la succession. L’un des problèmes se porte notamment sur la jouissance exclusive et privative d’un immeuble indivis par la fille de la famille. Cette dernière se voit réclamer par son frère et la tutrice de sa mère une indemnité au titre de son occupation dudit immeuble. Elle oppose en retour l’existence d’un bail verbal accordé par son père avant son décès. Précisons alors que le bail verbal est un accord oral par lequel le propriétaire et le locataire s’entendent sur les conditions de location du logement.
Un jugement de première instance est rendu et appel est interjeté. La cour d’appel de Versailles par une décision du 23 novembre 2018 retient, premièrement, que l’existante d’un bail ne fait pas en soit opposition au règlement d’une indemnité d’occupation. Deuxièmement, que cette indemnité d’occupation est valablement justifiée, puisqu’en l’espèce la valeur locative de l’immeuble est nettement supérieure au montant du loyer. La cour d’appel conclu en détaillant le calcul de l’indemnité : la différence entre la valeur locative du bien moins un abattement de 20% et le montant du loyer.
C’est par un arrêt du 18 mars 2020 que la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation vient infirmer la décision de la Cour d’appel. Celle-ci fait droit à l'argumentation selon laquelle l'indivisaire qui dispose d'un titre qui lui est propre, pour user et jouir d'un immeuble indivis, ne se trouve pas soumis à la règle qu'énonce l'article 815-9 du Code civil. Ainsi l'indivisaire qui jouit privativement d'un immeuble indivis en exécution du bail que son auteur lui a consenti, n'use donc pas et ne jouit donc pas d'un bien indivis au sens de l'article 815-9 du Code civil, et n’est donc pas redevable d’une indemnité d’occupation à l’indivision et ceux quelques soit le montant du bail.
En conclusion, si vous occupez un immeuble indivis en raison d’un bail locatif, vous n’êtes pas redevable envers l’indivision d’une indemnité d’occupation dès lors que cette location a été consentie antérieurement, peu importe que le loyer versé soit inférieur à la valeur locative du bien.
Source : CA Versailles, 23 novembre 2018, n° 17/00806 ; Civ. 1re, 18 mars 2020, n° 19-11.206