Vous avez hérité d’un bien immobilier et un des héritiers occupe ce bien privativement alors qu’il existe plusieurs indivisaires ? Aucune contrepartie financière n’a été versée aux indivisaires ? Vous souhaitez réclamer une indemnité d’occupation? Vous souhaitez demander le rapport de ce montant à la succession mais vous ne savez pas si c’est possible ? Il est important de distinguer le rapport successoral d’une indemnité d’occupation car il ne s’agit pas du même principe.
Le droit français exige que les héritiers d’une succession se partagent équitablement l’actif net du patrimoine successoral. Le rapport successoral, effectué par le notaire de la succession, permet ce partage équitable.
Le rapport concerne les donations ainsi que toute libéralité effectuée par le défunt envers un ou plusieurs héritiers. Ces libéralités doivent être prises en compte dans l’actif net à partager, elles sont donc « rapportables ».
Il convient toutefois de préciser que certaines donations ne sont pas rapportables à la succession. Il s’agit ici des donations-partages ainsi que des legs s’ils ne portent pas atteinte à la réserve héréditaire. De plus, les sommes versées à un enfant majeur à titre de l’obligation alimentaire ainsi que les présents d’usage n’ont pas à être rapportés à la succession.
Selon le principe du rapport successoral, chaque héritier déduit de sa part d’héritage ce qu’il a reçu comme libéralité. Toutefois, si un héritier a obtenu une donation de la part du défunt qui excède sa part de l’héritage, il sera redevable d’une indemnité auprès de ses cohéritiers.
Le rapport successoral permet donc de reconstituer le patrimoine du défunt tel qu’il aurait été sans la réalisation des donations rapportables à la succession. Il convient ainsi de tenir compte du patrimoine au moment du partage.
Lorsque les héritiers décident de maintenir un bien en indivision, ils deviennent tous indivisaires. Cependant, un héritier peut provoquer le partage de la succession et donc la sortie de l’indivision à tout moment selon l’article 815 du Code civil.
De plus, l’article 815 alinéa 2 du Code civil dispose que « l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ». Cela signifie que si l’un des indivisaires réside dans un bien en indivision successorale de façon privative, il devra verser une indemnité d’occupation à ses indivisaires.
Il est essentiel de noter que seule l’occupation privative de l’indivisaire fera l’objet d’une indemnité d’occupation. L’usage est dit privatif lorsque l’indivisaire occupant empêche ses indivisaires d’accéder au bien. La Cour de cassation a reconnu, le 30 juin 2004, par un arrêt rendu par la première chambre civile, que le fait qu’un seul indivisaire soit détenteur des clés de l’immeuble indivis et qu’il empêche ses indivisaires d’en détenir est considéré comme une jouissance privative.
Un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 18 janvier 2012, a distingué l’indemnité d’occupation du rapport successoral. En effet, le rapport successoral ne s’opère qu’en cas de donations. Ainsi, l’indemnité d’occupation ne rentre pas dans cette catégorie à moins que le défunt eût librement consenti en amont un avantage à l’un des indivisaires. C’est uniquement dans ce cas-là, le rapport à la succession des indemnités d’occupation pourra avoir lieu.
Les indivisaires ont droit au versement de l’indemnité d’occupation dès que l’occupation privative commence. Toutefois, l’article 815-10 du Code civil dispose que le délai pour réclamer une indemnité d’occupation est de cinq ans à compter du moment où l’indivisaire a pris connaissance de l’occupation privative du bien par son indivisaire. Ainsi, si l’indivisaire qui a pris connaissance de l’occupation privative depuis plus de cinq ans, il n’aura plus la possibilité d’agir en paiement.
Afin de la réclamer il conviendra de rapporter la preuve de démarches amiables avec l’indivisaire occupant. Si les tentatives amiables ont échoué, l’indivisaire devra saisir le tribunal du lieu de l’ouverture de la succession.
Le juge est le seul à déterminer le montant de l’indemnité d’occupation. Le montant sera fixé comme si le bien avait pu être mis en location pendant toute la durée de l’occupation. Le juge condamnera donc l’indivisaire occupant à ce montant. L’indemnité est due par l’occupant à la masse indivise du jour de l’occupation privative jusqu’à la sortie de l’indivision qui provoquera le partage. Au moment du partage chaque héritier indivisaire obtiendra sa part de l’indemnité due.