L’ouverture d’une succession peut donner lieu à des situations complexes. Chaque indivisaire bénéficie de droits réels sur le bien. Toutefois, il arrive fréquemment qu’un des indivisaires occupe le logement, sans que les autres ne puissent en profiter. Est-il alors possible de récupérer une indemnité de la part de l’occupant ?
Chaque indivisaire est propriétaire d’une quote-part de droit indivis sur les biens présents dans le patrimoine. Par conséquent, aucun des coïndivisaires ne peut s’approprier ni l’usage, ni la jouissance d’un bien indivis. À ce titre, la loi prévoit que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité, dite indemnité d’occupation.
L’occupation du bien doit être privative. En effet, il s’agira de la situation où un des coïndivisaires s’est approprié un bien immobilier composant l’actif de la succession, et décide de l’occuper à lui tout seul, son occupation empêchant celle des autres. La Cour de cassation a estimé que le seul fait d’être seul détenteur des clés d’un bien indivis et d’empêcher les autres d’en détenir suffit à considérer qu’il y a jouissance privative. Ainsi, la jouissance privative justifiant d’une indemnité suppose nécessairement une exclusivité de droit ou de fait de l’un des indivisaires. La solution n’est bien évidemment pas la même si les indivisaires ont conclu une convention.
L’indemnité d’occupation peut être demandée par tout indivisaire, seul, sans avoir à justifier d’un péril imminent du bien immobilier en question dans la mesure où elle a pour objet de conserver le droit des coïndivisaires (Cour de cassation, 1re Civ, 04 juillet 2012, n°10-21.967). À ce titre, l’indemnité d’occupation fait partie des actes dit « conservatoires ».
L’acte conservatoire est celui visant à conserver la chose. Il peut être fait par un indivisaire sans requérir le consentement des autres. Au contraire, l’acte d’administration qui tend à faire sortir le bien du patrimoine et d’en diminuer la valeur, est soumis au consentement des deux tiers des indivisaires, ou à l’unanimité en fonction des cas.
Pour obtenir l’indemnité, il faudra tout d’abord rapporter la preuve de démarches amiables effectuées en vue de la cessation de l’occupation privative (courriers par exemple). Ce n’est seulement qu’en cas d’échecs de ces tentatives amiables que vous pourrez entamer un processus judiciaire. Il sera nécessaire de saisir le tribunal du lieu d’ouverture de la succession ; à savoir, le dernier domicile du défunt. Vous devrez rapporter la preuve de cette occupation privative, par tous moyens. Vous pouvez, par exemple, solliciter des témoignages du voisinage.
L’indemnité sera alors souverainement appréciée par le juge en tenant compte de la perte des fruits et revenus (les loyers) subie par l’indivision pendant la durée de la jouissance privative. Le droit au versement de cette indemnité est en principe dû dès lors que l’occupation privative commence. Le délai pour solliciter cette indemnité est de cinq ans, à compter du moment où le copropriétaire qui réclame ce paiement, a eu connaissance de l’utilisation privative du bien par le copropriétaire indivis. Cependant, si la connaissance de cette utilisation privative date depuis plus de cinq ans, il ne sera possible de réclamer le paiement que sur les cinq dernières années écoulées.
Si le juge fait droit à la demande et condamne le copropriétaire au paiement d’une indemnité d’occupation, cette indemnité qui est comparable à une forme de loyer, sera versée non pas au demandeur à la procédure, mais à l’indivision tout entière. L’indemnité viendra enrichir la masse commune, qui pourra faire l’objet d’un partage.
Les indivisaires peuvent toutefois déroger à ces principes et par exemple, accorder à l’un d’entre eux un droit de jouissance.
En outre, celui qui occupe privativement un bien indivis devra supporter seul les charges relatives à son occupation privative et personnelle.
Il existe deux cas dans lesquels l’indivisaire qui occupe privativement un bien indivis ne devra pas d’indemnité d’occupation à l’indivision.
Lorsqu’un indivisaire est titulaire d’un bail sur le bien en indivision, il n’est pas redevable d’une indemnité d’occupation. En effet, son occupation privative d’un bien indivis ne porte pas atteinte aux droits égaux et concurrents de ses coïndivisaires, donc ne peut donner lieu à indemnité d’occupation, et ce quelle que soit la valeur du loyer.
En effet, l’indemnité à laquelle est tenue l’indivisaire qui use ou jouit privativement du bien, qui prive les autres indivisaires de leur droit d’usage et de jouissance du bien, ne sera pas tenu d’une indemnité s’il existe un titre légal ou conventionnel autorisant une pareille utilisation privative. Cette situation n’est pas nécessairement en conformité avec les intérêts de l’indivision.
Le légataire universel bénéficie d’un droit de jouissance des biens compris dans le testament. À compter du décès, il devient pleinement propriétaire des biens et n’est redevable d’aucune indemnité d’occupation (Cour de cassation, 1re civ, 24 septembre 2014, n° 12-26.486 / Cour de cassation, 1re civ, 16 mars 2016, n°14-28.865). Cette dernière précision est importante dans le sens où la question s’était posée de savoir si un légataire universel était redevable d’une indemnité d’occupation envers l’indivision entre la date du décès jusqu’à la date du partage de la succession. La réponse est maintenant claire et négative, toutefois le testament devra être limpide puisqu’il faudra savoir si le legs investit le légataire de droits privatifs ou de droits indivis.
À noter qu’en cas d’annulation du testament, la demande d’indemnité d’occupation est due à compter de la demande d’annulation.