Situations complexes, successions bloquées, application et interprétation de droit antérieur… Retour sur une importante décision de la Cour de cassation relative à la transmission de l’option successorale.
Une mère de quatre enfants n'avait ni accepté ni répudié la succession de son fils décédé à laquelle elle était partie. Son droit s’élevait, selon les règles de la dévolution légale, à un quart en pleine propriété du fait en présence d'un conjoint survivant. Elle décéda à son tour avant que la succession de son fils ne soit réglée.
Lors de sa propre succession, deux de ses filles ont fait part de leur volonté d’accepter la succession de leur mère, tout en renonçant (à la place de leur mère) à la succession de leur frère. La question était donc de savoir si cette opération était possible.
La Cour d'appel de Grenoble avait considéré que cette action ne pouvait être réalisée. Selon les juges, les deux sœurs ne pouvaient exercer l'option successorale « que sur l'intégralité du patrimoine successoral de leur mère, sans possibilité de renoncer, comme elles ont cru pouvoir le faire, à la succession de leur frère ». Cette solution avait pour effet de ne pas transférer le droit d’option successorale dont bénéficiait la mère.
La Cour de cassation a censuré la Cour d’appel, considérant que le droit d’exercer l’option successorale d’une personne se transmet à ses héritiers lors que cette personne décède à son tour : « l'héritier de celui qui est appelé à une succession sans avoir pris parti dispose de tous les droits de son auteur ». Cette décision relative à une succession ouverte en 2003 obéit aux articles 724 et 781 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la réforme du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.
Depuis la réforme, la transmissibilité du droit d’option successorale est inscrite à l’article 775 du Code civil. Cet article considère les règles qui s’appliquent « aux héritiers de celui qui décède sans avoir opté » et en particulier dispose que « les héritiers de celui qui décède sans avoir opté exercent l'option séparément, chacun pour sa part ». Cet article explicite ainsi le principe de transmissibilité de l’option successorale qui ne dépend pas, en l’état actuel du droit, de l’accord de tous les héritiers.
« Vu les articles 724 et 781 du Code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que l'héritier de celui qui est appelé à une succession sans avoir pris parti dispose de tous les droits de son auteur ;
Attendu que, pour dire sans effet les actes de renonciation de Mmes Y... et X... à la succession de leur frère, Charles A..., après avoir relevé que Marie-Louise B... était décédée le 1er avril 2004, sept mois après le décès de son fils Charles, sans avoir manifesté une quelconque volonté d'acceptation ou de renonciation à la succession de ce dernier, l'arrêt retient que Mmes X... et Y..., filles de Marie-Louise B..., et sœurs de Charles, ne pouvaient exercer l'option que sur l'intégralité du patrimoine successoral de leur mère, sans possibilité de renoncer à la succession de leur frère ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mmes X... et Y... pouvaient valablement exercer, du chef de leur mère qui n'avait pas accepté la succession de son fils, le droit d'option qui leur avait été transmis et renoncer le 8 décembre 2010 à la succession de leur frère Charles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche à laquelle Mmes X... et Y... ont déclaré renoncer :
CASSE ET ANNULE »