Un parent vient de décéder et vous découvrez que la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie dans laquelle vous étiez mentionné a été modifiée peu de temps avant son décès, au profit de votre belle-mère, de votre sœur ou votre frère ou pire, au profit d’une personne dont vous ne connaissez même pas l’existence ! Est-il possible de contester ce changement ? La Cour de cassation a apporté une réponse à cette question. Retour sur la jurisprudence en la matière.
« L’opinion que nous avons les uns des autres, les rapports d’amitié, de famille n’ont rien de fixe en apparence, mais sont aussi éternellement mobiles que la mer », À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes (1921-1922), Marcel PROUST
Vous vous trouvez dans une situation délicate où vous vous apercevez, après le décès du souscripteur de l’assurance-vie, que ce dernier a modifié peu de temps avant son décès la clause bénéficiaire sur lequel il vous avait initialement désigné.
Jusqu’à quand le souscripteur peut-il modifier cette clause sans que cette modification soit invalidée ?
Généralement, l’assureur reçoit une lettre portant modification de la clause bénéficiaire du contrat. Ce document constitue un avenant au contrat d’assurance-vie. La modification peut venir évincer un bénéficiaire initial, substituer un bénéficiaire par un autre ou encore ajouter un bénéficiaire.
En principe, l’article L. 132-8 du Code des assurances prévoit qu’à défaut d’acceptation par le bénéficiaire initialement désigné dans la clause, le souscripteur peut substituer un bénéficiaire avec un autre (Cass. Civ. 1re, 3 avril 2019, n° 18-14.640).
Pour autant, dans certains cas, la Cour de cassation considère le changement de la clause non valable.
En effet, par un arrêt en date du 25 septembre 2013 (n°12.23.197), la Cour est venue rappeler qu’il était obligatoire de prouver que le souscripteur du contrat d’assurance-vie avait la volonté certaine et non équivoque de modifier la clause bénéficiaire.
Par exemple, un avenant modifiant la clause bénéficiaire est rédigé par une personne autre que le souscripteur, ce dernier ayant seulement apposé sa signature et aucun terme permettant de prouver son accord n’est présent. Dans ce cas, s’il n’est pas établi que le souscripteur avait eu connaissance du contenu et de la portée exacte du document sur lequel il avait apposé sa signature, ni qu’il ait exprimé la volonté certaine et non équivoque de modifier les bénéficiaires du contrat, la contestation de l’avenant modifiant la clause bénéficiaire au détriment d’un bénéficiaire initial est possible.
Pour autant, un tel contentieux relève de l’appréciation souveraine des juges, c’est-à-dire que chaque cas est différent.
En tout état de cause, la modification tardive d’une clause bénéficiaire n’est pas toujours possible. Comment la contester ?
Deux voies d’action s’offrent aux personnes lésées pour contester un changement de bénéficiaire effectué peu de temps avant le décès du souscripteur.
Vous soupçonnez un vice du consentement ? Dans cette hypothèse, vous pensez que le souscripteur a effectué un changement de bénéficiaire sous la contrainte ? Vous pensez qu’on l’a induit en erreur ou qu’on lui a menti pour parvenir au changement ?
Sur le fondement de l’article 1108 du Code civil, vous pouvez demander la nullité de l’avenant ou du testament ayant entraîné la modification de la clause bénéficiaire.
Le plus souvent, le souscripteur subi des pressions psychologiques, sans s’en rendre compte. S’il est âgé, il peut facilement se laisser influencer.
Pour autant, la preuve de tels actes n’est pas aisée à rapporter mais elle est nécessaire pour prouver l’existence d’un vice du consentement.
Autre possibilité, qui représente une part importante des contestations à la suite d’un changement de clause bénéficiaire … Troubles mentaux, cécité, maladie de Parkinson, etc. ? L’état de santé du souscripteur ne lui permettait pas de rédiger l’avenant.
Or, pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit (article 414-1 du Code civil).
Par exemple, une clause bénéficiaire modifiée seulement deux mois avant le décès du souscripteur, quelques jours après qu’il ait fait l’objet d’une intervention chirurgicale alors qu’il était en soins palliatifs à l’hôpital révèle « des indices de détérioration morphologique pouvant être mis en relation avec une grande fatigue physique » (Cass. Civ. 1re, 25 septembre 2013, n°12.23.197).