Focus sur la jurisprudence de la Cour d'appel de Rouen et notamment l'arrêt CA Rouen, 20 janvier 2011, Ch. civ. et com., n°09/01403relatif aux cas de la révocation de la donation. Dans cet arrêt, la Cour d'appel de Rouen s'est intéressée aux causes de la révocation d'une donation ainsi qu'à ses conséquences sur le patrimoine du donataire.
Dans cette affaire, par acte authentique du 6 septembre 1974, Madame H. - D. a fait donation à son fils Daniel D., à titre de partage anticipé, de la pleine propriété d'un bâtiment situé à Faverolles la Campagne, hangar et terrain attenant.
Dans cette donation, la donatrice s'était réservé l'usufruit de l'herbage. Il était aussi stipulé un droit de retour en cas de prédécès du donataire ou de ses descendants et il lui était fait interdiction « de vendre, aliéner, hypothéquer ou échanger » les biens donnés durant la vie de la donatrice s'il lui survivait, sans leur consentement formel.
Monsieur Daniel D. ayant été déclaré en liquidation judiciaire par jugement du 29 novembre 2001, par acte authentique du 3 septembre 2003, Madame H.- D. et son fils ont constaté la révocation de la donation-partage consentie à ce dernier pour inexécution des charges.
En 2007, le liquidateur de Monsieur Daniel D., a assigné ce dernier ainsi que sa mère, aux fins de voir déclarer inopposable au liquidateur l'acte de révocation de la donation, voir juger que les biens donnés le 6 septembre 1974 à Monsieur Daniel D. réintégreraient son patrimoine et pourraient être appréhendés par ses créanciers, représentés par le liquidateur.
Le tribunal de grande instance d'Evreux a par jugement du 6 février 2009, accueilli les demandes du liquidateur en déclarant inopposable au liquidateur, l'acte de révocation. Monsieur Daniel D. ainsi que sa mère font appel du jugement.
Ces derniers considèrent que l'acte du 3 septembre 2003 constate que la situation et les agissements du fils étaient de nature à constituer une inexécution des charges et conditions de la donation conformément aux dispositions de l'article 954 du Code civil, d'où la constatation par le donateur et donataire de la révocation de la donation pour inexécution des charges conformément à l'article précité.
La Cour d'appel de Rouen retient que « la seule crainte d'une aliénation des biens donnés ou d'une inscription d'hypothèque sur ces biens ne pouvait justifier la révocation de la donation pour inexécution des charges, le risque d'une violation de la clause d'inaliénabilité n'étant qu'éventuel ». Elle ajoute que « la mise en liquidation judiciaire de Monsieur D. n'a pas pour effet de faire échec à la clause précitée, celle-ci continuant à s'appliquer du vivant de la donatrice ».
A la vue de ces éléments, la révocation de la donation ne pouvait donc pas être valable et était donc inopposable au liquidateur de Monsieur Daniel D.
En revanche, la Cour d'appel de Rouen a tenu à préciser que l'inopposabilité de la révocation de la donation n'entraine pas réintégration des biens et droits donnés dans le patrimoine du donataire puisque la clause d'inaliénabilité incluse dans l'acte de donation produit ses effets jusqu'au décès de la donatrice.
Révoquer une donation peut s'avérer un montage dangereux lorsqu'il a pour objectif de faire sortir du patrimoine du donataire des biens pouvant être appréhendés par ses créanciers.