Vous souhaitez souscrire à un contrat d’assurance vie ? Vous vous demandez s’il est possible de designer votre médecin comme bénéficiaire ? Sachez que le médecin ne peut hériter de son patient, à défaut de quoi il pourrait être poursuivi pour captation d'héritage. Toutefois, cette interdiction à l’encontre du médecin a été limitée dans certains cas par la jurisprudence. Retour sur les règles applicables en la matière.
Lors de la souscription à un contrat d’assurance vie, vous pourrez désigner un ou plusieurs bénéficiaires. Il peut s’agir d’une personne physique telle qu’un membre de votre famille, un ami, un tiers ou encore d’une personne morale comme une association. De plus, le bénéficiaire ne doit pas nécessairement être déterminé à partir du moment où il est déterminable. Il s’agit ici de la désignation d’un enfant né ou à naitre. Toutefois, lors du dénouement du contrat, le bénéficiaire devra obligatoirement être déterminé.
En principe, la rédaction de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie est libre. Vous pouvez donc la rédiger vous-même ou recourir à une clause pré-rédigée. Toutefois, il existe certaines limites quant à la désignation du bénéficiaire.
En effet, l'article 909 du Code civil dispose : « Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci ».
Dès lors, si une clause bénéficiaire a été rédigée en faveur du médecin traitant, infirmiers ou auxiliaires médicaux qui ont dispensé des soins au souscripteur pendant sa maladie, elle pourra être frappée de nullité. En effet, le médecin étant dans une situation « dominante » par rapport à son patient pourrait l'inciter à lui transmettre son héritage.
La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rappelé ce principe dans un arrêt du 4 novembre 2010 (n°07-21.303).
Mme X..., avait souscrit un contrat d'assurance-vie désignant Mme Y... comme bénéficiaire. Par avenant du 4 mars 1999, elle a modifié la clause bénéficiaire de son assurance vie et a désigné sa psychiatre-psychanalyste Mme Z..., et, à défaut, M. A..., concubin de celle-ci. Après le décès de Nicole X..., survenu le 14 mars 2000, Mme Y..., légataire universelle, a poursuivi, sur le fondement de l'article 909 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, l'annulation de l'avenant, soutenant qu'il constituait une libéralité consentie à un médecin ayant traité la défunte au cours de sa dernière maladie.
La Cour d'appel a annulé l'avenant et dit qu'il est d'une nullité globale et a condamné Mme Z au remboursement du capital perçu au titre de l’assurance-vie.
La Cour de cassation constate que « s'il est exact que si Mme Z..., qui exerce l'activité de psychiatre-psychanalyste, n'a pu traiter Mme X... pour le cancer dont elle était atteinte, elle lui a prodigué, parallèlement au traitement d'oncologie qui était organisé par le Dr B..., des soins réguliers et durables afférents à la pathologie secondaire dont elle était affectée en raison même de la première maladie dont elle devait décéder et dont la seconde était la conséquence ». La Cour de cassation confirme le jugement des juges du fond en estimant que Mme Z a traité Mme X et que par conséquent elle est frappée d'une incapacité à recevoir à titre gratuit au sens de l'article 909 du Code civil.
La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond et rejette le pourvoi de Mme Z, concernant le remboursement du capital perçu par celle-ci, sur le fondement de l'article 909 du Code civil. Toutefois elle casse l'arrêt de la Cour d'appel en ce qu'il énonce que la nullité de l'avenant était globale et que le concubin ne pouvait se prévaloir de ses dispositions. En visant l'article 1131, la Cour de cassation énonce que la Cour d'appel ne s'est pas prononcée sur la cause ayant déterminé Mme X... à souscrire l'avenant au bénéfice de M. A et par conséquent, elle n'a pas donné de base légale à sa décision.
Un médecin ayant prodigué des soins lors de la maladie dont meurt un patient ne peut donc être bénéficiaire de l’assurance vie de son patient.
La jurisprudence est venue se prononcer sur la désignation d’un médecin traitant le souscripteur depuis une époque antérieure au diagnostic de sa dernière maladie et qui continue à suivre des soins à cause de celle-ci. La jurisprudence a répondu en appliquant le critère de la concomitance de la désignation avec la période de la dernière maladie. La désignation ne sera pas valable et devra donc être annulée seulement en cas de preuve que celle-ci a eu lieu au cours de la dernière maladie du souscripteur. C’est ainsi que cette exception à l’interdiction de désignation des médecins traitants a donc été soulevée par la jurisprudence.