Vous êtes légataire universel d’une succession et vous vous demandez comment s’articulent vos droits avec ceux des héritiers légaux du défunt ? Enfants ou conjoint survivant, vous apprenez que le défunt a laissé un testament dans lequel il désigne une tierce personne légataire universel et vous vous demandez quels sont vos droits ? Focus sur ce que vous devez savoir.
Qu’est-ce qu’un légataire universel ?
Le légataire universel est une personne physique ou morale à laquelle le testateur lègue l’intégralité de son patrimoine. Il est donc destiné à hériter de tous ses biens, droits et obligations.
Le legs universel doit obligatoirement être prévu par un testament.
Il convient de préciser que le droit français prévoit qu’une part de la succession doit obligatoirement revenir à certains héritiers protégés, les héritiers réservataires. Les enfants, ou à défaut le conjoint survivant, ne peuvent donc pas être exclus du testament, peu importe ce qu’il prévoit. Ainsi en l’absence de testament, le patrimoine du défunt impose un ordre précis à la succession, et prévoit la part qui doit revenir à chacun. Les enfants et leur descendance sont donc les premiers à hériter. Faute de descendants, le conjoint hérite, ou à défaut, les parents du défunt, ses frères et sœurs, neveux et nièces et ainsi de suite.
La désignation d’un légataire universel permet de favoriser une personne qui n’aurait autrement pas pu hériter.
Comment le legs universel s’articule avec la réserve héréditaire ?
Si le legs universel permet de favoriser un héritier, la liberté du testateur trouve sa limite dans la quotité disponible de son patrimoine.
La quotité disponible est une fraction du patrimoine qui reste après que les héritiers réservataires aient touché la leur. L’article 912 du Code civil alinéa 2 la définit comme « la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ». Par exemple, si le testateur n’a qu’un enfant, la quotité disponible sera de la moitié de l’actif net successoral, ou « masse successorale », d’un tiers s’il a deux enfants et d’un quart en présence de trois et ainsi de suite.
Ainsi, la réserve héréditaire prime sur le legs universel, et dès lors qu’il existe un héritier réservataire, il est impossible de le priver de ses droits par voie testamentaire. Il dispose de plein droit de la réserve. Néanmoins, le légataire universel bénéficiera tout de même d’un droit sur les biens du défunt, précisé à l’article 1004 du Code civil : « Lorsqu'au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament. »
Cette dernière étape est d’ailleurs source de conflits entre légataire universel et héritiers, réticents à devoir céder une partie d’un patrimoine qui aurait dû leur revenir en intégralité.
Que faire en cas de conflit entre les héritiers réservataires et le légataire universel ?
Il peut arriver qu’un conflit survienne autour d’un bien litigieux. En effet, si un bien cédé au légataire universel est en possession des héritiers, et puisque la loi prévoit qu’il est tenu de leur demander la délivrance de ces biens, il est possible que ces derniers refusent et qu’une situation de blocage émerge. C’est un conflit autour de la délivrance du legs, qui peut aussi bien se régler à l’amiable que par voie judiciaire lorsque les héritiers réservataires refusent de lui remettre le bien en question.
Un autre type de conflit peut émerger lorsque le testament porte atteinte à la réserve héréditaire. En effet, l’article 924 du Code civil dispose que « lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent ». Les héritiers réservataires pourront alors mener une action en réduction contre le légataire universel.
L’action en réduction est un recours en justice initié par un ou plusieurs héritiers réservataires, consistant à reconstituer le patrimoine au jour de la succession afin de réduire les libéralités faites au détriment des héritiers réservataires. Le bénéficiaire du legs devra dans ce cas de figure verser une indemnité égale à l’atteinte portée à la part des héritiers réservataires. Cette action est soumise à un délai de prescription de 5 ans à compter du jour de la succession, ou à 2 ans à compter du jour où cette atteinte a été portée à la connaissance des héritiers réservataires, sans toutefois pouvoir excéder un délai de 10 ans.
Mais que faire si un légataire universel est également héritier réservataire ? L’arrêt rendu par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation le 6 mai 2009 permet de nous éclairer sur la question du cumul de statut. Ainsi la double qualité de légataire universel et d’héritier réservataire ne permet pas au légataire universel d’accaparer la part des autres héritiers réservataires le cas échéant. Il pourra néanmoins cumuler la réserve héréditaire à la quotité disponible.