Est-il possible de transmettre un bien (mobilier ou immobilier) à deux personnes successives après son décès ? La réponse est oui, grâce au legs graduel ou au legs résiduel. Quelles sont les différences entre ces deux legs ? Quelles incidences sur les droits de succession ? Réponses dans les lignes qui suivent.
Selon l’article 1048 du Code civil, « une libéralité peut être grevée d’une obligation pour (…) le légataire de conserver les biens ou les droits qui en sont l’objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié, désigné dans l’acte ». Il existe donc deux légataires successifs. Ainsi, lorsque le premier bénéficiaire d’un legs doit conserver le bien afin de le transmettre à un second bénéficiaire, on parle de legs graduel. Le premier légataire a dans ce cas la double charge de conserver et de transmettre le bien.
Par exemple : vous rédigez un testament afin de transmettre la maison familiale à votre fils, premier bénéficiaire, à charge pour lui de le conserver et de le transmettre à sa fille à son décès, seconde bénéficiaire.
S’il existe une entreprise familiale, il peut être judicieux d’opérer un legs graduel afin de prévoir la transmission de cette entreprise sur deux générations.
Le mécanisme du legs graduel peut être très efficace en matière de protection du conjoint survivant et notamment en cas de divorce. Il permettra de privilégier le conjoint survivant, sans pour autant porter atteinte aux liens du sang. En présence d’enfants qui ne sont pas issus des deux époux, le disposant pourra s’assurer de la protection du conjoint puis organiser la conservation des biens dans la famille par la transmission à ses enfants.
Selon l'article 1054, alinéa 1er du Code civil, « si le grevé est l'héritier réservataire du disposant, la charge ne peut être imposée que sur la quotité disponible ». Le legs est imputé sur la quotité disponible dans la mesure où le légataire ne peut en disposer librement. Il a l’obligation de conserver et de transmettre le bien.
À l’inverse du legs graduel, le legs résiduel se caractérise par une absence de l’obligation de conserver.
Selon l’article 1057 du Code civil, « il peut être prévu dans une libéralité qu'une personne sera appelée à recueillir ce qui subsistera du don ou legs fait à un premier gratifié à la mort de celui-ci. »
De ce fait, il est possible qu’il ne subsiste rien et que le second gratifié soit privé du legs.
Ce type de legs permet une liberté d’aliéner et de consommer, ne restant que l’obligation de transmission des biens subsistants. Par ailleurs, le premier bénéficiaire n’est pas tenu de rendre compte de sa gestion. Précisons à ce titre que l'article 1058, alinéa 2 du Code civil prévoit que « lorsque les biens objets de la libéralité résiduelle, ont été aliénés par le premier gratifié, les droits du second bénéficiaire ne se reportent ni sur le produit de ces aliénations ni sur les nouveaux biens acquis ». Les droits du second bénéficiaire ne reportent donc pas sur le produit de la vente.
Le premier gratifié ne peut toutefois pas disposer par testament des biens donnés au titre du leg résiduel. La loi prévoit une interdiction de léguer car les biens ne font pas partie de la succession du premier bénéficiaire. Les biens doivent être transmis au second bénéficiaire qui puise ses droits auprès du disposant directement. En revanche, il conserve son droit de donner entre vifs (sauf volonté contraire du disposant qui peut interdire les donations entre vifs, article 1059 du Code civil).
Il existe toutefois une particularité lorsque le premier gratifié est également héritier réservataire : dans ce cas, il « conserve la possibilité de disposer entre vifs ou à cause de mort des biens qui ont été donnés en avancement de part successorale ».
Est-il possible de désigner plus de deux légataires successifs ? Non, la charge ne peut pas être stipulée au-delà d’un degré. Autrement dit, il n’est pas possible d’imposer au second légataire de léguer à son tour les biens à une personne déterminée. Le second propriétaire devient pleinement propriétaire du bien légué. Il ne peut donc y avoir que deux légataires successifs.
Quand le second bénéficiaire récupère-t-il le bien ou ce qu’il en reste ? À la mort du premier légataire.
Que se passe-t-il si le second bénéficiaire décède avant le premier ? Les biens transmis sont définitivement acquis au premier bénéficiaire.
Comment faire un legs graduel ou résiduel ? L’intervention d’un notaire est obligatoire.
Lors de la transmission de patrimoine, les héritiers paient systématiquement des droits de mutation. Dans le cadre d’un legs résiduel ou graduel, le premier gratifié est redevable des droits de succession sur l’actif transmis.
Pour la seconde transmission, il faut prendre en compte du lien de parenté entre le testateur et le second légataire.
Précisons par ailleurs que les droits acquittés par le premier légataire sont imputés sur les droits dus sur les mêmes biens par le second légataire (article 791 bis du Code général des impôts).
À noter que toutes ces dispositions sont transposables pour les donations entre vifs. Il existe donc des donations graduelles et résiduelles.