L’un de vos proches vient de décéder et vous souhaitez obtenir des informations relevant des données personnelles concernant cette personne. En tant qu’héritier ou ayant droit, avez-vous le droit d’obtenir ces données personnelles ?
L’article 2 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 définit les données personnelles comme « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne ».
À titre d’exemple constituent des données personnelles : l’adresse IP, le numéro d’immatriculation ou de téléphone, une photographie, une empreinte digitale, l’ADN, etc.
Ce même article précise que la personne concernée par ces données est « celle à laquelle se rapportent les données qui font l’objet du traitement ».
Il ressort ainsi de cet article que seule la personne concernée par les données personnelles peut y avoir accès. C’est le raisonnement qu’a suivi la CNIL puis le Conseil d’État. Ainsi les héritiers peuvent se voir opposer la transmission de certaines informations relevant des données personnelles, les organismes invoquant alors la loi informatique et libertés.
En l’espèce, des ayants droit souhaitaient avoir accès aux relevés téléphoniques professionnels de leur défunt parent, le mois précédent son décès, afin de déterminer le nombre et la durée des appels avec des professionnels de la santé.
L’employeur du défunt a refusé de faire droit à leur demande. Ils ont alors porté plainte auprès de la CNIL (Commission Nationale de l’Information et des Libertés), autorité française de contrôle en matière de protection des données personnelles. La présidente de la CNIL n’a pas fait droit non plus à leur demande.
Les ayants droit ont alors porté le conflit devant le Conseil d’État en requérant l’annulation de la décision de la CNIL pour excès de pouvoir. En se fondant sur l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978, ils espéraient pouvoir obtenir la communication de données relatives aux échanges téléphoniques via la ligne professionnelle du défunt.
Cependant le Conseil d’État a rappelé que l’article 39 de cette loi autorisait « toute personne physique justifiant de son identité » à interroger « le responsable d’un traitement de données à caractère personnel en vue d’obtenir » notamment : « La communication, sous une forme accessible, des données à caractère personnel qui la concernent ainsi que de toute information disponible quant à l’origine de celles-ci ».
Dès lors le Conseil d’État a considéré que seule la personne concernée pouvait obtenir communication de données personnelles la concernant, et que la qualité d’ayants droit ne répondait pas à cette condition.
Par ailleurs la Haute juridiction a également écarté l’argument selon lequel le refus d’obtenir communication de ces données violait l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatif au droit à la vie.
En effet, cet article protège le droit à la vie et interdit la peine de mort tout en prévoyant les rares cas où la mort constituerait un recours à la force rendu absolument nécessaire. Les juges ont considéré que cet article ne pouvait en aucun cas transférer un droit aux ayants droit d’obtenir la communication des données à caractère personnel concernant le défunt.
Par un arrêt du 8 juin 2016, le Conseil d’État a rejeté la demande des ayants droit et a confirmé la position de la CNIL et de l’employeur du défunt.