Lorsqu’une personne décède, il arrive fréquemment que la maison familiale se retrouve en indivision. Or, cette maison contient la plupart du temps des souvenirs, des émotions, et la gestion de l’indivision n’est pas aussi simple qu’il y paraît : certains souhaitent vendre quand d’autres souhaitent conserver le bien dans le giron familial. Focus sur les actes que vous pouvez passer sur cette maison en indivision.
Chaque indivisaire est propriétaire d’une quote-part sur les biens en indivision. Par conséquent, aucun des coïndivisaires ne peut s’approprier ni l’usage ni la jouissance d’un bien indivis. À ce titre, la loi prévoit que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité, dite indemnité d’occupation.
L’occupation du bien doit être privative. En effet, il s’agit de la situation où un des coïndivisaires s’est approprié un bien indivis faisant partie du patrimoine de la succession, et décide de l’occuper à lui tout seul, empêchant les autres héritiers de pouvoir en profiter.
La Cour de cassation a estimé que le fait d’être l’unique détenteur des clés d’un immeuble indivis et d’empêcher les autres d’en détenir suffit à considérer qu’il y a jouissance privative.
Attention cependant, car il n’est pas possible d’expulser un indivisaire qui aurait la jouissance privative du bien (Civ. 1, 7 nov. 2018, no 17-22.280).
Précisons que s’il vous prend l’envie d’effectuer des travaux d’amélioration dans la maison familiale, mieux vaut que vous ayez l’approbation de tous les héritiers pour éviter de vous exposer à de quelconques querelles.
Par ailleurs, même si vous êtes indivisaire sur la maison, cela ne signifie pas que vous soyez propriétaire d’une partie de la maison en fonction du pourcentage de vos droits indivis. Par exemple, ce n’est pas parce que vous possédez 50% des droits indivis de la maison que vous pouvez vous approprier le jardin et décider de laisser la maison à l’autre indivisaire possédant les 50% restants.
Un récent arrêt de la Cour de cassation confirme cette position. En l’espèce, le fils de l’un des indivisaires s’était approprié unilatéralement une partie du bien et y avait effectué des travaux en vue d’y installer un local commercial en méconnaissance de l’opposition du reste des indivisaires. La Cour le sanctionne et rappelle qu’il est indifférent que le bien aménagé corresponde à la quote-part de ses droits et qu'à l'issue de l'indivision, il puisse devenir sa propriété (Civ. 1, 23 mars 2022, n°20-16.492).
La loi prévoit les règles de gestion des biens indivis. En effet, certains actes peuvent être exercés par un indivisaire seul, tandis que d’autres requièrent des règles de majorité différentes.
Plus spécifiquement, les actes conservatoires peuvent être accomplis par un indivisaire seul. Il s’agit des actes matériels ou juridiques qui sont nécessaires à la conservation des biens, c’est-à-dire les actes destinés à sauver le bien indivis d’un péril (il doit être nécessaire). L’indivisaire qui souhaite prendre des mesures conservatoires peut, en amont, obliger ses coïndivisaires à contribuer à la dépense nécessaire, ou demander qu’il lui soit tenu compte de sa dépense, sous la forme d’une créance sur l’indivision, au moment du partage.
Par exemple, la Cour de cassation a jugé que la demande d’élagage d’arbres empiétant sur une parcelle en indivision peut être introduite par un seul des indivisaires puisque cette menace met en péril le bien (Civ. 3, 18 févr. 2021, n° 20-11.080).
De la même manière, si vous souhaitez attraire un des héritiers pour recel successoral, cela constitue un acte conservatoire qui ne nécessite pas l’accord des autres héritiers puisque vous agissez afin de sauver le patrimoine du défunt (Civ. 1, 16 nov. 2022, n°21-12.569, n°21-13.714).
Les actes d’administration (qui tendent à faire fructifier un bien sans compromettre sa valeur en capital, comme par exemple, mettre en location le bien) et les actes de disposition (qui ont pour effet de faire sortir un bien du patrimoine ou d’en diminuer la valeur, comme par exemple, l’aliénation) sont tous deux soumis au consentement de la majorité des deux tiers des droits indivis et, exceptionnellement, à l’unanimité des indivisaires. À défaut de recueillir le consentement des autres indivisaires, les actes leur seront inopposables.
Ainsi, il n’est pas possible pour un des héritiers de louer une parcelle de terrain sans avoir préalablement obtenu le consentement des autres indivisaires, la conclusion d’un bail étant entendue comme un acte d’administration (Civ. 3, 8 avr. 2021, n° 20-16.066).
L’indivisaire souhaitant céder sa part à un tiers doit informer les autres indivisaires de cette intention de vente, généralement par l’intermédiaire d’un huissier. En effet, ces derniers disposent d’un droit de préemption et ont un mois pour répondre à l’offre de vente (article 815-14 du Code civil).
Par ailleurs, si tous les indivisaires sont d’accord pour vendre, la maison est mise en vente et la somme se répartit entre eux en fonction de leur quote-part d’indivision.
Si aucun des autres propriétaires indivis ne souhaite ou ne peut racheter les droits de celui qui désire sortir de l’indivision, il faut rappeler la règle de l’article 815 du Code civil selon laquelle « nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué. Ainsi, le propriétaire souhaitant vendre sa part peut engager une procédure qui aboutira à la vente judiciaire du bien. »
Les héritiers peuvent rédiger une convention d’indivision qui a pour but d’organiser la gestion de l’indivision et d’en fixer les règles du jeu. C’est une précaution nécessaire lorsqu’on veut éviter les querelles ou de terminer sa belle histoire familiale au tribunal.
Dans cette convention, il sera possible d’aménager la répartition des dépenses, nommer un gérant (choisi ou non parmi eux), arrêter le montant d’une indemnité d’occupation, etc. Elle est rédigée par un notaire qui la publie au service de publicité foncière. La convention est nécessairement établie par écrit (à peine de nullité). Elle doit mentionner les biens et indiquer les quotes-parts de chacun. La durée de la convention peut être déterminée, dans la limite de cinq ans, tacitement reconductible. Elle peut également être indéterminée, mais cette solution ne s’adresse évidemment pas aux enfants qui souhaitent conserver la maison de leurs parents dans la famille.
En conclusion, il est nécessaire de rappeler que lorsqu’on est en indivision sur une maison, il faut mesurer les risques que celle-ci peut entraîner. Le meilleur moyen de se protéger est de signer une convention d’indivision chez le notaire. La convention ne supprime pas les risques de mésententes, mais elle aide la famille à trouver le bon équilibre entre les intérêts des uns et des autres afin que la maison continue à abriter des souvenirs communs.