Les rebondissements de l'affaire Bettencourt ne cessent d'alimenter les rubriques « people » depuis maintenant plusieurs mois. Aux dernières nouvelles, la polémique enflait autour du mandat de protection future que l'avocat de Liliane Bettencourt, Maître Pascal Wilhelm, se serait vu confier.
Au-delà de l'aspect purement sensationnel des articles publiés, la saga Bettencourt permet de s'intéresser à des notions juridiques particulièrement intéressantes.
Il est fréquent de penser à prendre ses dispositions pour que son patrimoine soit transmis après son décès. On se pose en revanche moins la question de savoir comment notre patrimoine serait géré, si en fin de vie, nous n'étions plus en toute possession de nos moyens. Et c'est pourtant une situation tristement fréquente. Avec l'allongement de la durée de vie, il est à craindre que de plus en plus de personnes âgées n'aient plus « toute leur tête » arrivées à un certain âge.
Un outil juridique permet d'anticiper ce type de situation. Le législateur, par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs, a instauré le mécanisme de mandat de protection future.
Alternative intéressante à la tutelle ou à la curatelle, le mandat de protection future permet d'anticiper sa propre insanité d'esprit, et de désigner soi-même celui qui sera en charge de la gestion de ses biens le jour où l'on ne sera plus en mesure de l'assurer.
Autrement dit, une personne, que l'on appelle le mandant, désigne à l'avance un ou plusieurs individus, connus sous le vocable de mandataires, qui seront chargés de veiller sur sa personne et/ou sur tout ou partie de son patrimoine, le jour où elle ne sera plus en état, physique ou mental, de le faire seule.
Le dispositif permet notamment d'éviter de se voir imposer un tuteur ou curateur.
La seule difficulté : choisir un mandataire qui sache agir dans son intérêt. C'est une suspicion de conflit d'intérêt qui a suscité la polémique autour du mandat de protection futur établi par Liliane Bettencourt au profit de son avocat, d'où l'importance de choisir avec le plus grand soin celui qui jouera le rôle de mandataire.
En règle générale, le mandat est établi par une personne qui anticipe sa propre insanité d'esprit. Ne peut donc établir un mandat de protection future la personne qui ferait déjà l'objet d'une mesure de tutelle : l'insanité d'esprit serait alors déjà constatée. Lorsque la personne est sous curatelle, elle pourra envisager de rédiger un tel mandat, mais uniquement avec l'assistance de son curateur.
A la marge, le mandat peut également être établi pour autrui, lorsque des parents souhaitent organiser par avance la défense des intérêts de leur enfant.
Le mandat peut tendre à la protection des personnes ou des biens, ou encore des deux. Il est parfaitement possible de désigner des mandataires différents pour ces missions distinctes.
Dans tous les cas, le mandant peut déterminer avec précision quelle sera l'étendue exacte des pouvoirs de son ou de ses mandataires.
A ce stade, il convient de préciser que le mandat peut être passé par acte sous seing privé ou encore sous la forme notariée.
Le mandat rédigé par notaire permet au mandataire d'effectuer des actes de disposition sur le patrimoine de la personne protégée. Ainsi, il sera possible pour le mandataire de vendre des immeubles ou encore d'effectuer des placements financiers. Chaque année, le mandataire aura pour obligation de dresser un inventaire des biens du mandant et de produire des comptes annuels. Si le notaire estime que des actes de gestion ou de disposition sont contraires aux intérêts de la personne protégée, il pourra saisir le juge des tutelles.
A noter qu'un mandat de protection futur établi pour un enfant est nécessairement pris sous la forme notariée.
Lorsque le mandat intervient sous seing privé, le mandataire ne pourra qu'effectuer des actes d'administration, à l'exclusion de tout acte de disposition qui atteindrait dans sa substance le patrimoine du mandant. Les actes de disposition nécessitent en effet l'autorisation du juge des tutelles.
En ce qui concerne le formalisme, le mandat doit soit être contresigné par avocat, soit suivre le modèle du formulaire cerfa n°13592*02 .
Le mandat ne sera assorti d'effets que lorsque le mandant n'est plus en mesure de protéger ses propres intérêts. Evidemment, cette date de bascule n'est pas déterminée arbitrairement. C'est un médecin inscrit sur une liste établie par le Procureur de la République qui consacrera médicalement inaptitude du mandant.
Le mandataire muni du mandat de protection future et du certificat médical fera ensuite viser le mandat par le greffe du Tribunal d'Instance, ce qui permettra officiellement sa mise en œuvre.
La mise en œuvre de ce mandat n'est pas subordonnée au paiement du mandataire. En effet, ce dernier effectue théoriquement sa mission à titre gratuit, même s'il est possible de prévoir une rémunération ou une indemnisation.
Par précaution, il peut prévoir l'insertion d'une clause par laquelle un ou plusieurs personnes seront chargées du contrôle de l'exécution du mandat.
En cours d'exécution de mandat, tout intéressé, appartenant ou non à la famille du mandant, peut saisir le juge des tutelles pour contester la mise en œuvre du mandat. Le juge pourra aller jusqu'à révoquer ce dit mandat. Il est également possible de demander au juge de compléter par une mesure judiciaire le mandat de protection future, si celui-ci s'avérait insuffisant à protéger les intérêts du mandant.
Le mandat de protection future n'est de loin pas cantonné aux personnes gravitant dans les hautes sphères. Liliane Bettencourt comme n'importe quel particulier peuvent avoir à cœur de protéger le patrimoine accumulé tout au long d'une vie.