Héritiers, vous estimez que l’assurance-vie qu’a souscrite le défunt vous lèse et empiète sur votre réserve héréditaire ? Des recours peuvent vous sont ouverts. En principe l’assurance-vie est hors succession. Néanmoins, les primes versées au titre de l’assurance-vie sont susceptibles d’être rapportées à la succession dans certaines hypothèses. Si les critères, source de la réintégration de ces sommes, ne sont pas réunis, la juridiction compétente peut estimer que le rapport n’est pas dû.
Le droit français exige une répartition équitable entre les héritiers de l’actif net d’une succession, c’est-à-dire la valeur totale des biens du défunt à laquelle on soustrait ses dettes. Le rapport successoral est un mécanisme qui permet de s’assurer du respect de ce principe. Si l’assurance vie n’est pas soumise à ces règles de rapport à la succession, il existe cependant une voie de recours.
En effet, afin de protéger les héritiers, le législateur a prévu une limite à l’assurance-vie. L’article L 132-13 du Code des Assurances prévoit ainsi une restriction au principe des primes de l’assurance-vie hors succession. Cet article dispose que « Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »
L’alinéa 2 du présent article ouvre donc une voie de recours aux héritiers lésés par l’assurance-vie. Les successeurs peuvent ainsi demander en justice le rapport à la succession des sommes ainsi versées au bénéficiaire, afin de remédier à la disproportion entre le montant de l’assurance vie et la valeur de la succession.
La jurisprudence démontre que les juges n’hésitent pas à requalifier une assurance vie pour les besoins d’une répartition équitable entre les héritiers. La 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation a par exemple, dans son arrêt du 10 octobre 2012 (n°11-14.018,1076), requalifié l’assurance vie en contrat de capitalisation, forme d’épargne à moyen ou long terme très similaire au contrat d’assurance vie, mais ne reposant pas sur la couverture d’un risque. La première Chambre civile de la Cour de cassation par son arrêt du 30 janvier 2019 (n°18-12045) a également choisi de requalifier les contrats d’assurance vie en donation.
Dès lors, dans ces deux cas, elle estime que les sommes reçues font l’objet d’un rapport à la succession eu égard à leur montant manifestement exagéré.
Attention : le rapport à la succession est une exception. Il est donc nécessaire que plusieurs critères soient réunis afin de pouvoir en faire la demande auprès de la juridiction compétente. Le Code des assurances parle de primes « manifestement exagérées eu égard aux facultés » du contractant.
La jurisprudence prend en compte divers éléments afin de déterminer si les sommes engagées sont exagérées ou non. Les juges du fond vont ainsi apprécier la « situation personnelle et familiale du souscripteur » (pourvoi du 10 octobre 2012 n°11-14.018,1076).
En outre, les juges du fond apprécient souverainement l’existence du caractère manifestement exagéré des primes versées, au moment de leur versement.
La Cour de Cassation dans un arrêt du 13 septembre 2012 (n°11-20.756, 1435) a ainsi refusé aux héritiers le rapport à la succession et admis le changement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, initialement au bénéficiaire de la veuve, au profit de l’un de ses enfants.
Cela s’inscrit dans la logique du principe de l’article L132-12 du Code des assurances disposant que :
« Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré. »
L’action est ouverte aux héritiers dès lors que les critères précités sont réunis. Encore faut-il être au courant de l’existence de l’assurance vie en question. En outre, si vous suspectez, en votre qualité d’héritier, la présence d’un contrat d’assurance vie, il existe des moyens pour le vérifier.