Votre mère américaine a eu une vie bien remplie et a acquis des biens dans de nombreux pays. A son décès, elle laisse un patrimoine conséquent et éparpillé dans le monde. Cette situation devient difficile à gérer d’autant plus qu’un tournant juridique a eu lieu le 17 août 2015. Quelle loi s’applique à cette succession ? Avez-vous droit à votre réserve héréditaire ?
Le champ d’application du règlement européen (UE) n°650/2012 du 4 juillet 2012 est vaste. Seront concernées par le nouveau règlement non seulement les successions intra-européennes mais aussi les successions intéressant des États situés hors Union Européenne.
Tous les États membres signataires appliqueront le règlement aux successions ouvertes depuis le 17 août 2015. Donc, si le décès intervient antérieurement à cette date, la succession sera liquidée selon l’ancien mécanisme des règles de conflits de lois.
Attention, certains pays de l’Union européenne n’appliquent pas le règlement, c’est le cas du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Irlande.
Le règlement européen donne compétence de principe à la loi de la résidence habituelle du défunt au moment du décès pour toute la succession. Le règlement prévoit néanmoins que ce principe peut être écarté au profit de la loi de l’État avec lequel le défunt avait des liens manifestement plus étroits.
Ainsi, si votre mère de nationalité américaine avait sa résidence habituelle en France, la succession sera en principe régie par la loi française. Si elle résidait dans un autre pays, la loi compétente peut être la loi française lorsqu’il est justifié que la défunte entretenait des liens manifestement plus étroits avec l’hexagone.
Par l’application de la loi française, en tant qu’enfant du défunt, vous bénéficiez d’une réserve héréditaire ainsi que de tous les mécanismes égalitaires et protecteurs (rapport des libéralités, action en réduction, etc.). Le conjoint survivant est aussi protégé et peut profiter des droits au logement, de l’option éventuelle entre usufruit et un quart en pleine propriété, etc.
La loi française peut, contrairement à d’autres lois, vous être favorable et vous assurer une certaine sécurité, mais encore faut-il établir que la résidence habituelle du défunt était bien en France. Caractériser la résidence habituelle n’est pas forcément évident, surtout lorsque le défunt était très nomade pour des raisons professionnelles, familiales, climatiques ou autres…
D’autant plus que sur ce point, le règlement n’aide pas, car il ne fournit aucune définition de la « résidence habituelle ». Finalement, quand le doute règne et que les oppositions entre héritiers se creusent, ce sera le juge qui tranchera.
Votre défunt parent a pu rédiger un testament avant son décès en France. Si ce testament est étranger, il faudra faire authentifier l’acte contenant les dernières volontés de votre parent, via notamment la procédure de l’apostille.
Dans son testament, le défunt a pu choisir sa loi nationale comme applicable à l’ensemble de la succession. Il n’y a alors plus besoin de rechercher la loi applicable à la succession du défunt. Cette possibilité d’option de législation en faveur de sa loi nationale (souvent appelée « professio juris ») est autorisée par le règlement européen, porte sur l’intégralité du patrimoine composant la succession du défunt et lie tous les héritiers.
Si votre défunt parent était binational ou plurinational, il a pu librement choisir la loi de l’État d’une de ses nationalités. Par exemple, si votre oncle est franco-anglais, il peut aussi bien opter pour la loi anglaise que pour la loi française.
Il est facile de déduire la loi applicable lorsque le défunt l’a clairement manifestée auprès de son notaire. Cependant, le règlement européen n’exige pas que l’option soit exprimée de manière expresse, et il est parfois des cas où les termes du testament olographe sont flous et laissent place à interprétation.
Le système successoral de chaque État étant différent, la détermination de la loi applicable est cruciale pour l’héritage et la rédaction vague des dernières dispositions du défunt peut faire jaillir un grave contentieux.