Un de vos parents a été placé en maison de retraite ou autre établissement médicalisé. Vous constatez une rapide détérioration de son état de santé, de la négligence de la part du personnel, un manque ou un défaut de soins, des signes de maltraitances … Face à certains abus, la question de la responsabilité de ces établissements se pose.
Lorsque vous mettez votre proche dans un établissement pour personnes âgées afin d’être assuré que l’on s’occupe de lui, surtout renseignez-vous sur l’établissement avant !
En juin dernier, éclate le scandale de Yonne où une maison de retraite se verra fermer pour « maltraitance ». L’établissement visé était complètement inadapté aux vues :
- des locaux (vétusté des bâtiments, escaliers raides, sols glissants),
- de leurs aménagements (1 chambre pour 2/3 résidents),
- mais également au vu de leur personnel (manque de formation du personnel), etc.
L’ARS (Agence Régionale de Santé), qui est chargée d’inspecter les maisons de retraite, a précisé que « certaines personnes âgées étaient hébergées dans des chambres à deux ou trois lits, non conformes aux exigences minimales en matière de confort, d'intimité et de qualité ». En outre, il avait déjà été reproché à l’établissement en cause de ne pas avoir de personnel soignant, chose à laquelle il devait être remédié.
En plus de ces dysfonctionnements liés aux locaux et aux personnels ayant un impact direct sur le résident, il peut arriver que les personnes âgées soient victimes d’abus de faiblesse (ou de confiance) ou encore de vols.
Dans une telle situation, que pouvez-vous faire ? Certaines de ces pratiques peuvent être constatées du vivant du retraité, mais il arrive fréquemment que la découverte des biens disparus ainsi que les sommes extorquées ne se fasse, malheureusement, qu’après le décès, lors de l’ouverture de la succession…
Il est délicat de savoir que faire dans des cas pareils. Il faut être conscient qu’il existe diverses actions en responsabilité, mais que celles-ci ne conduisent pas forcément à un gain de cause pour la victime et/ou la famille.
Un arrêt de la Cour de Cassation du 15 décembre 2011 vient illustrer cela. En l’espèce, un pensionnaire d’une maison de retraite, atteint d’Alzheimer, a été, mortellement, frappé par un autre pensionnaire.
Ce dernier avait déjà été « hospitalisé auparavant suite à des problèmes d’agressivité ». Néanmoins, étant donné qu’il n’a pas « été établi qu’il présentait un tel comportement à l’égard des autres pensionnaires depuis son arrivée, que l’établissement était apte à recevoir des personnes atteintes de pathologies » dont souffrait la victime ainsi que l’auteur des violences, la maison de retraite (qui a effectué 3 rondes au lieu des 5 prévues) n’avait commis « aucune faute ayant joué un rôle causal dans la survenance du dommage ». Cette décision intervient malgré l’obligation de l’établissement de « surveiller les pensionnaires qui lui étaient confiés pour éviter qu’ils ne s’exposent à des dangers ou y exposent autrui ».
La complexité de la mise en œuvre d’une action en responsabilité rend indispensable la présence d’un professionnel du droit qui vous représenterez. La responsabilité peut être engagée sur les fondements prévus par le Code de la Santé Publique.
Le Code de la Santé Publique met en place ainsi divers régimes de responsabilités.
Ainsi, il existe une responsabilité des établissements à l'égard des biens des personnes accueillies. L’article L1113-1 dudit code dispose que « Les établissements de santé, ainsi que les établissements sociaux ou médico-sociaux hébergeant des personnes âgées ou des adultes handicapés, sont, qu'ils soient publics ou privés, responsables de plein droit du vol, de la perte ou de la détérioration des objets déposés entre les mains des préposés commis à cet effet ou d'un comptable public, par les personnes qui y sont admises ou hébergées. »
A côté de cela, on trouve une responsabilité pour faute mise en place par l’article L. 1142-1 du CSP selon lequel « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. »
Ainsi, l’établissement a une obligation de moyens dans le domaine sanitaire. Si aucune faute ne peut être relevée, aucune sanction fondée sur la responsabilité ne pourra être engagée.
La responsabilité pour faute peut être mise en œuvre en cas de faute médiale (notamment faute de diagnostic, un défaut d’information, une faute dans le choix de la mise en œuvre du traitement) ou bien en cas de faute relative à l’organisation du service. Cette dernière peut intervenir notamment en cas de défaut de surveillance, un défaut de présence médicale, un défaut de compétence médicale.
Ainsi si votre aïeul(le) ou parent se retrouve dans une maison de retraite, que vous constatez qu’il manque de soins, que personne ne veille à ce qu’il soit hydraté, qu’il boive régulièrement, que la médicamentation dont il fait objet n’est pas scrupuleusement suivie, alors l’établissement peut être jugée responsable, a fortiori lorsque cela contribue à une détérioration de son état de santé voire pire…
Sources :
- Arrêt de la Cour de Cassation du 15 décembre 2011, pourvoi n°10-25.740.1236, n° JurisData : 2011-028168
- www.leparisien.fr, le 24/07/2013, « Yonne : fermeture d'une maison de retraite pour «maltraitance» ou encore un manquement aux données acquises »,
- www.liberation.fr, le 7/01/2013, « L'expulsion d'une dame de 94 ans de sa maison de retraite fait scandale »
- Arrêt de la Cour de Cassation du 16 juin 2005 n° 03-19.705, Juris-Data n° 2005-028940
- www.chu-nice.fr, « La responsabilité des professionnels et établissements de santé »