Lorsque l’un des héritiers reçoit plus que sa part normale dans le cadre d’un partage successoral, la répartition inégalitaire qui en résulte constitue une atteinte aux droits des copartageants. L’héritier lésé doit donc obtenir réparation de cette privation. C’est à cette occasion que l’héritier avantagé devra verser une soulte à son ou ses cohéritiers.
Les cohéritiers sont censés recevoir chacun une part d’une valeur proportionnelle à leurs droits dans l’indivision successorale. Toutefois, il est parfois difficile, voire impossible, de constituer des lots de valeur égale dans la masse partageable. L’inégalité de partage qui en découle doit ainsi être compensée par le versement d’une soulte, conformément à l’article 826 du Code civil.
Admettons que votre père ou votre mère récemment décédé(e) était à la tête d’un patrimoine de 600 000 euros. Si vous êtes deux héritiers, et en l’absence de testament, vous devez recevoir 300 000 euros chacun. Si ce patrimoine est composé d’une maison de 500 000 euros et de 100 000 euros de liquidité et que vous demandez à recevoir la maison, le partage sera déséquilibré. Si votre frère ou votre sœur ne s’oppose pas à cette réparation, vous serez tenu de lui verser une soulte de 200 000 euros afin de rétablir l’égalité entre vous.
Nous le comprenons, la raison d’être d’une soulte est de compenser en nature l’inégalité des lots constitués, de rétablir entre les cohéritiers une certaine égalité de valeur. Selon l’article 832-4 du Code civil et la première chambre civile de la Cour de cassation, la soulte est un droit de l’héritier lésé qui naît au moment du partage, soit au jour de l’établissement de l’acte de partage (Cass. civ. 1ère, 24 septembre 2014, n° 13-18.197).
Néanmoins, il demeure possible pour l’héritier débiteur de la soulte de se voir octroyer des délais de paiement lorsque l’on se situe soit dans un cas d’attribution préférentielle, soit dans celui d’un accord amiable entre copartageants.
Mais le bénéfice de tels délais de paiement n’est pas sans conséquences. En effet, au montant de la soulte peuvent s’additionner des intérêts et une revalorisation peut avoir lieu.
Lorsqu’un délai de paiement a été accordé par les copartageants, des intérêts peuvent courir selon des modalités, toutefois, différentes.
Si le délai a été accordé de façon amiable, les copartageants doivent s’assurer de stipuler des intérêts dans l’acte de partage ou au moins un taux de référence qui en permettra le calcul. À défaut d’une telle précision, le délai de paiement sera réputé consenti sans intérêts.
Si une mise en demeure de payer a été émise pour une soulte, c’est à compter de son émission que le taux d’intérêt légal qui s’applique pour les soultes immédiatement exigibles.
Enfin, en ce qui concerne les héritiers ab intestat (soient les héritiers légaux, en l’absence de testament), et le conjoint survivant, l’article 833 alinéa 1 du Code civil prévoit la possibilité de recourir à l’attribution préférentielle.
Ainsi, en cas de délai imposé par ces héritiers particuliers, les intérêts courent de plein droit, au taux légal et, sauf convention contraire, à compter du jour du partage successoral (Cass. Civ. 1ère ; 20 novembre 1979).
Dans un autre cas de figure, il se pourrait qu’au cours du délai de paiement accordé, la valeur du bien ait été affecté (à la hausse ou à la baisse) de plus de son quart depuis la date du partage et du fait de certaines circonstances économiques étrangères au débiteur de la soulte. A ce titre, l’article 828 du Code civil prévoit la possibilité de corriger, proportionnellement à la perte de valeur, le montant final de la soulte. Il s’agit néanmoins d’une règle supplétive de volonté soit à laquelle les copartageants peuvent choisir de déroger par stipulation dans l’acte de partage.
Un bien peut avoir été soustrait des règles communes du partage pour se voir attribué à un indivisaire autre, celui-ci étant évidemment obligé au versement d’une soulte à ses copartageants.
Souvent motivée par un projet de répartition intelligente des biens dans le but de préserver leur fonction économique et de servir les intérêts familiaux, tels que perçus par le défunt, l’attribution préférentielle ne joue que dans le cadre de certains partages indivisaires, mais surtout au profit des indivisions de nature familiale.
Les héritiers comme le défunt peuvent écarter le jeu de l’attribution préférentielle et décider du partage en nature ou bien renoncer à la demander. Sans s’attarder sur les détails, il est à noter que l’attribution préférentielle concerne soit des entreprises agricoles, commerciales, industrielles, artisanales ou libérales ou encore des locaux d’habitation ou à usage professionnel.
Si l’attribution préférentielle n’a pas été écartée, conformément à l’article 832-4 du Code civil, le montant de la soulte sera fixé à la date de jouissance divise telle que déterminée dans l’acte de partage. Son paiement devra être réalisé comptant, étant précisé qu’un délai (inférieur à 10 ans), peut être accordé à l’héritier bénéficiaire de l’attribution préférentielle pour en payer une fraction dans le cadre de certaines attributions (local d’habitation attribué au conjoint survivant ; exploitation agricole d’une petite superficie).
Conjoint ou héritier ab intestat, il apparaît important pour vous de prendre connaissance des modalités de paiement de cette soulte si vous souhaitez exiger l’attribution préférentielle d’un bien successoral puisque l’exercice de ce droit pourrait avoir des conséquences substantielles sur votre patrimoine personnel, outre les avantages que présente une telle préférence.