Vous venez de découvrir que le défunt a couché ses dernières volontés sur un testament manuscrit. Deux cas de figure peuvent à cet égard s’offrir à vous : le testament comporte des dispositions qui vous sont favorables ou a contrario le défunt a exprimé le souhait de vous désavantager au profit d’un tiers ou d’un autre héritier. Que vous soyez dans l’une ou l’autre des situations envisagées, vous vous interrogez sur la validité d’un tel testament. Focus sur ce que vous devez savoir.
Le testament manuscrit constitue à ce jour, dans la pratique, la forme de tester la plus répandue. Cela s’explique notamment en raison de sa simplicité, de sa révocabilité et de son caractère secret.
En effet, le notaire qui reçoit sous pli fermé un tel testament est dans l’obligation de le laisser clos. Il n’est donc pas rare qu’à la lecture dudit testament des héritiers se sentent lésés et émettent le souhait de le contester.
Il est aussi très facile de pouvoir le falsifier afin de s’accorder des bénéfices que le défunt n’avait pas prévu.
Le testament manuscrit ou testament olographe est un acte sous seing privé, c'est-à-dire qu’il n’est pas rédigé par un notaire, mais qu’il est écrit, daté et signé de la main du testateur (Article 970 du Code civil). De ce fait, le législateur a entouré sa rédaction de principes de forme afin de s’assurer le plus possible de son authenticité.
Le de cujus doit écrire son testament de sa propre main afin de pouvoir prouver son identité. Cette condition permet de vérifier que c’est bien le testateur qui a exprimé sa volonté. Cela a également pour vocation d’éviter les risques de fraude inhérents à la rédaction du testament.
Les juges ont donc considéré qu’il n’était pas possible d’utiliser une formule pré-imprimée (Cas. 1ère civ., 17 juillet 1968) ni une vidéo ou un audio.
L’écriture du défunt doit en outre être clairement reconnaissable.
Ainsi, un testament dicté par un tiers, mais signé par le testateur est nul.
Néanmoins, les juges admettent le testament « à main guidée », c’est-à-dire avec l’aide d’un tiers tenant la main du testateur. Cette méthode est utilisée lorsque le testateur à une maladie qui l’handicape comme celle de Parkinson. Ce testament ne sera valide que si l’écriture du défunt est reconnaissable et qu’il reflète sa véritable intention et non celle du guide. Ce procédé est cependant dangereux car facilement contestable en justice.
Sont aussi admis, les textes écrits à l’encre, au crayon (les ratures ne sont par ailleurs pas une cause de nullité) ou bien encore avec du sang. Concernant le support, la Cour de cassation est assez souple : un papier, un mur, du bois.... Elle a par exemple accepté un testament écrit sur le côté d’une machine à laver le linge.
NB. La foi de l’origine du document pourra être démontrée dès lors que l’écriture a été reconnue ou vérifiée.
Cette exigence vise à vérifier la capacité de l’auteur du testament au moment de la rédaction.
La Cour de cassation fait cependant une interprétation souple de la condition de date sur un testament. Ainsi, dans un arrêt du 5 mars 2014, elle a pu valider un testament, même en l’absence de date, dans la mesure où, des éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques, démontrent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée (Cass. civ. 1, 5 mars 2014, n° 13-14.093).
Cette condition est primordiale car elle traduit l’assentiment définitif du rédacteur de l’acte.
Ainsi, si jamais vous souhaitez ajouter un post-scriptum, veillez à ce qu’il soit signé (et daté) pour être valable.
Dans un arrêt du 17 juin 2009, la Cour de cassation a pu juger qu’une lettre d’adieu signée et datée, mais assortie d’un paragraphe instituant les six enfants du défunt légataires universels n’était pas valide car le texte n’était suivi d’aucune signature (Cass. 1re civ., 17 juin 2009, n° 08-12896).
Ces trois exigences légales sont suffisantes pour rendre un testament manuscrit valide. En effet, la jurisprudence repousse toute tentative tendant à adjoindre des conditions supplémentaires.
Les tribunaux ont à cet égard admis la validité de testaments olographes rédigés au dos d’un contrat d’assurance ou encore de façon plus farfelue sur une carte postale.
Un testament manuscrit valide est donc un acte lourd de conséquences dans la mesure où il peut porter sur l’ensemble des biens propres du défunt.
La jurisprudence tend à ajouter certains critères et à en préciser d’autres.
Un arrêt de la Cour de cassation en date du 9 juin 2021 vient poser le principe selon lequel le défunt doit avoir testé dans une langue qu’il comprend (Cass. 1re civ., 9 juin 2021, no 19-21770). En l’espèce, le de cujus, de nationalité allemande, vivait en France depuis plus de 20 ans, mais ne maîtrisait pas la langue française. Il a rédigé un testament manuscrit en traduisant de l’allemand vers le français. La Cour l’invalide car le défunt ne comprenait pas ce qu’il écrivait. Pourtant, elle a validé un testament écrit dans un langage codé à partir du moment où ce code peut être déchiffré.
Il convient d’être précautionneux quant à la rédaction de ses dernières volontés, notamment car un second testament olographe ne révoque pas nécessairement le premier. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation en 2021 (Cass. 1re civ., 13 janv. 2021, no 19-16392). En l’espèce, la défunte avait rédigé un premier testament en 2012 instituant comme légataire universel M.M. Puis, elle en avait rédigé un second en 2013 dans lequel elle léguait ses biens à la fille de son mari prédécédé. Cette dernière assigne M.M dans le but de rendre caduc le testament de 2012. Cependant, la formulation maladroite de la défunte dans son testament ne laissait pas clairement entendre qu’elle révoquait le premier et léguait l’ensemble de ses biens à sa belle-fille. La Cour a donc jugé qu’il y avait en présence deux légataires universels et que les deux testaments devaient être exécutés à défaut de révocation expresse du premier par le second. Le rôle du notaire est alors indispensable puisqu’il pourra vous conseiller quant à la terminologie appropriée pour rédiger votre testament et éviter le morcellement de vos biens.
Le légataire doit être en mesure de pouvoir fournir le testament au jour de l’ouverture de la succession. Une photocopie ne sera pas valide sauf si les conditions de la force majeure sont réunies.
Celui qui se prévaut du testament devra apporter la preuve qu’il n’est plus en sa possession pour cause d’un événement qui était imprévisible dans sa survenance, irrésistible dans ses effets et extérieur à sa volonté.
La Cour de cassation reste cependant stricte sur cette position et elle a admis qu’un avocat ayant perdu l’original du testament ne constituait pas un cas fortuit et ne pouvait produire une photocopie (Cass. 1re civ., 12 nov. 2009, n° 08-17791).
En revanche, elle a retenu la force majeure dans un arrêt du 31 mars 2016. En l’espèce, un notaire avait remis le testament à un expert judiciaire qui décéda peu de temps après. Malgré les recherches du magistrat et d’un deuxième expert, l’original du testament n’a pas pu être retrouvé. Dans ce cas, elle a admis la présentation d’une copie du testament (Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-17039). A noter que depuis la réforme du droit des obligations de 2016, il n’est plus possible pour les justiciables d’invoquer le cas fortuit pour la perte d’un testament original. Seuls les critères constitutifs de la force majeure seront acceptés, à savoir : l’irrésistibilité, l’extériorité et l’imprévisibilité de l’évènement.
En raison du danger de fraude qui pèse sur le testament olographe, il est facile de vouloir le contester.
Pour contester le testament, il faudra démontrer que le formalisme requis n’a pas été respecté, que le défunt n’avait pas toutes ses capacités mentales lors de la rédaction du testament ou alors que le consentement du défunt a été vicié, que ce soit à cause d’une erreur, d’un acte de violence ou encore d’un dol. Enfin, il convient de rappeler que vous devez être représenté en cas de passage devant le Tribunal judiciaire.
Si vous avez un doute sur le testament manuscrit qu’a retrouvé votre frère au fond du tiroir à chaussettes de votre défunt père, vous pouvez demander une expertise graphologique. Elle permettra de vérifier qu’il a été rédigé, daté et signé de sa main. Il faudra fournir d’autres documents qui ont été écrits par le de cujus afin de procéder à une analyse de son écriture à titre de comparaison. Le travail de l’expert sera de comparer l’écriture habituelle du défunt et celle apparaissant sur le testament. L’expertise peut être demandée par les héritiers à l’amiable ou à l’initiative d’un seul héritier. Elle peut également être demandée par la justice et peut être réalisée à n’importe quel moment de la procédure.
Vous pouvez de plus contester le testament pour abus de faiblesse. Il est courant que des personnes en fin de vie se fassent abuser par des proches conscients qu’ils peuvent capter leur héritage.
Il convient en outre de préciser que le Code civil pose le principe à l’article 909 selon lequel « les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci. » Cet article vient notamment protéger les malades qui pourraient être les cibles de personnes malhonnêtes et profiter de leur détresse. La Cour de cassation fait une interprétation stricte de cet article puisqu’elle casse un arrêt de la Cour d’appel qui avait admis des legs au bénéfice d’une infirmière qui avait pris soin de sa patiente avant que sa maladie ne se déclare (Cass. 1re civ., 16 sept. 2020, n° 19-15818). Cependant, elle accepte les donations faites aux auxiliaires de vie (Cass. 1re civ., 18 déc. 2020, n° 20-40060 et Cons. const., 12 mars 2021, no 2020-888 QPC).