Après mûre réflexion, vous avez pris la décision d’anticiper la transmission de votre patrimoine par la rédaction d’un acte (testament, pacte…). Si vous avez la possibilité de désigner la loi d’un Etat qui sera compétente pour liquider votre succession future, attention toutefois à ne pas aller à l’encontre de dispositions dites d’ordre public. Quelles sont-elles ? Quelles en sont les conséquences ?
Souvent soulevée par les juges ou lors d’une instance tenue devant eux par l’une des parties, cette exception relevant de l’ordre public international permet de maintenir une certaine sécurité juridique. Sont alors protégés les intérêts des parties ainsi que la sécurité de l’ordre juridique. Comment ? En écartant la législation étrangère désignée applicable, car considérée comme étant contraire à l’ordre public interne.
Ce mécanisme d’éviction a été repris à l’article 35 du Règlement européen de 2012 écartant la législation désignée par le défunt si elle entre en contrariété avec les principes et conceptions juridiques de l’État appelé à statuer.
Que vous comptiez anticiper la dévolution de succession future ou que vous soyez héritier, légataire en conflit avec d’autres successibles, il est important de connaître ses droits.
Ainsi, le principe posé à l’article 22 dudit Règlement permettant à tout individu de pouvoir choisir, sous certaines conditions, la loi qui viendra régir sa succession connaît des limites, à savoir celles des lois de police (ordre public international) et la fraude.
Une liste exhaustive et précise ne pourrait être établie puisque l’ordre public international varie d’un Etat à un autre et, change avec le temps (la pratique, les bonnes mœurs, etc.). Une appréciation au cas par cas devient nécessaire.
Ainsi, à titre illustratif, les juridictions françaises appelées à statuer sur la norme applicable écarteront une législation étrangère contraire à ses principes internes. Ce qui est le cas lorsque le défunt choisit la loi d’un État dont il est le ressortissant, sachant que cette dernière procède à une discrimination entre enfants nés de différentes unions (hors mariage, adultérine), ou en raison de leur religion, sexe, etc. Cette norme sera donc évincée pour être remplacée par la loi du for.
Autre cas particulier qui fait l’objet d’une discussion, car relevant de l’ordre public interne français et non pas de l’ordre public international. Il s’agit de l’hypothèse où une personne de nationalités française et anglaise a expressément désigné le droit anglais pour connaître de sa succession afin de déshériter ses enfants. En effet, il convient de préciser que certains pays (notamment de Common law, tel que l’Angleterre) ne reconnaissent pas le principe de la réserve héréditaire. Ainsi, le défunt a pu déjouer les règles françaises en écartant ses descendants réservataires. Il reviendra aux juges intervenant dans le dossier soit de respecter la volonté du défunt soit de passer outre en faisant application de la loi interne. Il ne reste plus qu’aux juridictions de trancher la question.