L’affaire Bettencourt n’a de cesse de faire parler d’elle et illustre un phénomène d’actualité qui prend de l’ampleur, celui de l’abus de faiblesse, en particulier en matière de succession car, bien souvent, dans le but d’obtenir un héritage une personne malhonnête va soudain simuler de l’affection envers une personne âgée.
Les contentieux sont nombreux en matière de succession surtout s’agissant de testament consenti par une personne âgée. Une jurisprudence récente de la Cour de Cassation vient illustrer ce propos. Un arrêt de la Première Chambre Civile du 24 Octobre 2012 (n°11-20.442, 1171) est venu affirmer que « le juge civil ne peut méconnaitre ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ».
Expliquons cela. Il s’agissait en l’espèce d’une personne âgée qui avait laissé à sa mort un second testament au bénéfice d’une femme, révoquant ainsi son premier testament. Le juge pénal avait déclaré les bénéficiaires du second testament coupables d’avoir frauduleusement abusé de la situation de faiblesse de la testatrice. Le bénéficiaire du précédent testament demandait que soit annulé le second testament pour cause d’insanité d’esprit de la testatrice qui aurait donné lieu à un abus de faiblesse.
Ce à quoi la cour d’appel rétorque, en la déboutant, qu’il y avait certes abus de faiblesse et que le tribunal correctionnel l’avait jugé à bon droit mais que sa vulnérabilité ne signifiait pas que lorsqu’elle a rédigé le testament son « intelligence était obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée ».
La Cour de Cassation, quant à elle, estime qu’il y a « absence d’identité entre la question de la vulnérabilité soumise au juge pénal et celle de l’insanité d’esprit au moment de la rédaction du testament soumise au juge civil » et qu’à ce titre l’abus de faiblesse jugé par le juge pénal est un vice du consentement invalidant le testament. Le testament est alors entaché de nullité. Si on reconnait qu’il y a abus de faiblesse pour cause de vulnérabilité, c’est qu’il y avait aussi insanité d’esprit au titre du droit civil remettant en cause la capacité de la testatrice lors de la rédaction de son testament. Dès lors, le profit de la vulnérabilité d’une personne en vue d’un héritage est constitutif d’un abus de faiblesse, et est une cause de nullité d’un testament.
Un arrêt de la Cour d’Appel de Lyon du 11 Juillet 2012 (n°11/04494) avait repris les mêmes arguments : le juge pénal avait condamné le bénéficiaire du testament pour abus de faiblesse et la demanderesse avait demandé la nullité du testament sur le fondement de l’article 901 du Code Civil aux termes duquel, pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. Cet article ajoute que la libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence. La Cour d’Appel décide ici que c’est à juste titre que les juges du fond ont annulé le testament pour cause d’un consentement de la testatrice vicié par l’abus de faiblesse dont elle avait été victime.
Lorsqu’il n’y a eu aucune manifestation de volonté de la part du défunt, on parle de dévolution successorale légale, c'est-à-dire qu’il y aura une répartition équitable entre tous ses descendants, ou à défaut de descendants entre ses deux parents et ses frères et sœurs, ou en concurrence avec un conjoint s’il y a un conjoint survivant.
Le défunt peut aussi décider d’organiser sa succession à l’avance en rédigeant de son vivant un testament, il s’agit alors de dévolution volontaire (les libéralités sont également possibles). Ceci est admis à condition de ne pas dépasser la quotité disponible dont dispose le de cujus pour consentir des libéralités ou tester.
Le testament est un document écrit dans lequel une personne décide du sort de son patrimoine après sa mort. Le plus souvent ce sont les personnes âgées qui en rédigent un afin d’organiser leur succession avant leur décès et léguer leurs biens aux personnes qu’elles apprécient réellement.
Le testament pour être valable doit forcément être l’émanation de sa volonté et doit être signé par lui. Pour que le testament soit valide, l’auteur du testament doit être une personne capable et son consentement ne doit pas avoir été vicié par une erreur, un dol ou une violence.
Une personne est donc libre de rédiger un testament à partir du moment où elle est saine d’esprit. Il faut surveiller de près les personnes malveillantes qui se rapprocheraient soudainement d’une personne « faible » à la vue d’un détournement d’héritage.
C’est une situation d’une particulière gravité à laquelle il faut mettre un terme le plus rapidement possible.
Sources : www.lexisnexis.com, arrêt n°11-20.442,1171 du 21 octobre 2012, Première Chambre Civile, Cour de Cassation, numéro JurisData 2012-023910 et arrêt n°11/04494 du 11 Juillet 2012, Cour d’Appel de Lyon, numéro JurisData 2012-017820