De retour dans notre droit depuis 2007, après quelques siècles d’absence, la fiducie s’impose manifestement comme un moyen attractif de transmission du patrimoine. Quel est son mode de fonctionnement ? Quels sont les pièges à éviter ? Pour vous éviter certains déboires et sécuriser l’opération.
La fiducie, selon l’article 2011 du Code civil, se définit comme étant un contrat par lequel une personne (le constituant) transfère tout ou partie des biens qu’elle possède à une autre personne (le fiduciaire), à charge pour celui-ci d’agir dans un but déterminé au profit d’un ou de plusieurs bénéficiaires. Les biens transférés forment un patrimoine séparé, distinct du patrimoine personnel du fiduciaire. Le fiduciaire est nécessairement un professionnel tel que défini par l’article 2015 du Code Civil.
Vous avez surement déjà entendu parler de ce concept sous le terme de trust, nom anglais de la fiducie.
Cette notion introduite dans le droit français récemment présente de nombreux avantages, notamment sur le plan fiscal. Encore faut-il bien l’appréhender et être bien conseillé.
Il existe deux manières différentes d’avoir recours à la fiducie afin d’assurer la transmission du patrimoine. Donation à charge de fiducie ou donation du contrat de fiducie ? Que choisir ?
Dans ce schéma, le constituant crée une fiducie-gestion c’est-à-dire qu’il transfère la propriété de biens au fiduciaire qui est alors chargé de les gérer. Ensuite, le constituant va faire donation des droits résultant du contrat de fiducie à des ayants droit qu’il aura choisi. Aucune disposition de notre droit civil n’interdit une telle transmission à titre gratuit. Le contrat de fiducie n'est alors aucunement par lui-même le vecteur de la transmission, il en est l'objet.
Une donation du contrat de fiducie a notamment pour intérêt de permettre au constituant (futur donateur) d’organiser la fiducie selon ses propres volontés. La fiducie présente aussi l’avantage d’être difficilement remise en cause d’un point de vue fiscal. En effet, elle est soumise aux droits de mutation comme les biens mis en fiducie l’auraient été s’ils avaient été directement donnés. En revanche, un doute est permis concernant la transmission par décès de la fiducie. En effet, l’article 2028 du Code civil prévoit que la fiducie est révoquée de plein droit au décès du constituant. Il ne vous reste alors plus qu’à vous prémunir contre ce risque en insérant dans le contrat de fiducie une clause d’irrévocabilité temporaire.
Toujours dans cette optique de transmission, la fiducie-gestion peut être prévue dans le cas d’une donation. Il s’agit de l’hypothèse où le donateur ne veut pas constituer lui-même le contrat de fiducie par exemple. Dans ce cas, il est possible de donner ou léguer un bien à charge pour le bénéficiaire de le transférer à un fiduciaire. L’héritier doit alors conclure un contrat dans lequel il revient au fiduciaire de gérer les biens.
En pratique, ce système est souvent mis en place par une personne souhaitant protéger un proche particulièrement vulnérable de par son âge, son handicap ou sa maladie afin de faire gérer ses biens par une personne de confiance et s’assurer à titre posthume que la personne vulnérable ait toujours de quoi subvenir à ses besoins.
Pour mettre fin au contrat de fiducie, le donataire devra démontrer que celle-ci crée une situation « extrêmement difficile » ou est « sérieusement dommageable » pour lui (article 900-2 du Code civil). Dépendant des circonstances de fait, il revient au donataire d’en rapporter la preuve. Cependant, cette preuve est difficile à apporter en pratique, car si cette charge imposée au donataire a été stipulée dans son intérêt, il lui sera très difficile de démontrer le caractère dommageable ou difficile de cette mesure.
L’intérêt de cette solution est de pouvoir réaliser une donation en pleine-propriété tout en organisant la gestion du bien par un professionnel.
Enfin, il existe aussi une autre manière de pallier l’éventuelle impossibilité de transmettre son patrimoine par les différents mécanismes déjà exposés. En effet, dans cette hypothèse, le donateur (ou futur défunt) apporte ses biens à une société qui souscrit ensuite elle-même un contrat de fiducie irrévocable pour une durée déterminée qui ne dépendra pas de la vie de ses associés.
Sources : Hubert FABRE, La fiducie comme alternative au mandat de protection future ou comme outil de transmission, Droit et patrimoine, N°212, 1er mars 2012. www.magazine-decideurs.com : « La fiducie au service de la gestion et de la transmission de patrimoine », le 02/04/2012, par Yves Mahot de la Quérantonnais et Pierre-Alain Guilbert.