L'article 901 du Code civil protège le consentement du testateur en privant d'efficacité la libéralité consentie en présence d'un vice du consentement ou d'une insanité d'esprit. La jurisprudence de la première chambre civile a rapproché le régime d'insanité d'esprit et régime de protection des majeurs.
Du fait de cette jurisprudence qui a permis de présumer dans le cadre de la tutelle, l'insanité d'esprit, les juges ont reconnu plus facilement la nullité des actes effectués par le défunt avant son placement sous tutelle. Ce sont les faits de l'espèce de l'arrêt du 6 janvier 2010 de la première chambre civile (Cass., Civ. 1, 6 janvier 2010, pourvoi n° 08-14.002).
En l'espèce, Max X... est décédé le 17 février 2003 laissant pour lui succéder ses deux filles ; qu'il avait institué ses cinq petits-enfants légataires de la quotité disponible par parts égales, par testament olographe du 10 mars 1994. Le 10 mai 2000, Max X... a modifié la désignation des bénéficiaires des contrats d'assurances vie souscrits en 1986, 1989, 1994 et 1995, au profit de Mme Y... ; qu'il a fait donation à cette dernière d'une maison et par testament olographe du 28 août 2000 lui a légué à titre particulier la maison " La Grange ", avec les effets mobiliers et meubles meublants s'y trouvant.
Le juge des tutelles, saisi en septembre 2000, a ouvert une tutelle le 25 juillet 2002, après avoir placé Max X... sous sauvegarde de justice. Ses petits enfants ont fait assigner Mme Y... remettant en cause la modification les clauses relatives au bénéficiaire des contrats d'assurance-vie, la donation ainsi que le testament, tous réalisés par le défunt avant son placement sous tutelle, près de deux ans auparavant.
La mise sous protection ayant été justifiée par le diagnostic de la maladie d'Alzheimer, se posait la question de savoir si des actes passés sous l'empire des premiers troubles de cette affection pouvaient être annulés pour insanité d'esprit alors que la maladie n'était pas encore complètement déclarée.
La Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir accueilli les demandes en annulation, aux motifs que les rapports médicaux du médecin traitant et de l’expert psychiatre désigné dans le cadre de la procédure de protection d'incapable majeur, démontraient que le majeur était insane d'esprit au moment où il avait signé les avenants aux contrats d'assurance-vie, la donation et le testament olographe dès lors qu'il était déjà atteint d'une altération de ses capacités physiques et intellectuelles de type maladie d'Alzheimer à l'époque.
Dans cette affaire, les pièces établissant une altération des facultés de discernement du majeur au moment des actes en cause ne manquaient pas. Un certificat du médecin traitant de la même année que les actes constatait « une altération de son état général et de ses capacités physiques et mnésiques, ainsi que des troubles de la sphère cognitive » ; un rapport d’expertise judiciaire de la même année soulignait « des troubles du caractère, des troubles cognitifs » et estimait « qu'une mesure de protection était préférable pour qu'il fût protégé et représenté dans les actes de disposition importants » ; d'autres rapports d’expertise et certificats médicaux confirmaient la gravité de son état deux ans après, gravité ayant justifié le placement sous un régime de tutelle. « Peu importait alors qu'au moment des actes litigieux, le diagnostic de la maladie d'Alzheimer n'ait pas été posé et que le majeur n'ait pas eu lui-même conscience de sa maladie, celle-ci ayant déjà, à cette époque, commencé à produire ses effets dévastateurs ».
Les juges ont fait une juste application de l'article 489 du Code civil qui pour annuler un acte requiert l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. La preuve étant rapportée, nul besoin d'invoquer l'article 503 du Code civil. En effet, le trouble mental était suffisamment établi en l'espèce et justifiait pleinement l'annulation des actes contestés.
L'altération des facultés mentales d'une personne mi sous tutelle cause de nombreux contentieux relatifs aux libéralités testamentaires au moment du décès du majeur protégé.