Bien que le principe de la liberté testamentaire soit au cœur du testament, le manque de clarté de certaines dispositions nécessite une interprétation. Cette mission revient aux tribunaux qui doivent alors interpréter le testament dans l’objectif de protéger la volonté du testateur.
En tant qu’acte juridique unilatéral, le testament permet au testateur d’exprimer ses dernières volontés et d’établir la répartition de ses biens et de ses droits à effectuer après son décès.
Le testament peut prévoir plusieurs dispositions telles que la désignation des bénéficiaires du patrimoine, l’organisation de sa répartition, la désignation du ou des exécuteurs testamentaires qui auront la mission d’exécuter au mieux les volontés du défunt, l’organisation des obsèques ou encore la prévision du don de son corps à la science.
Bien que l’organisation de la transmission des biens soit libre, celle-ci doit respecter certaines dispositions légales, notamment en ce qui concerne la réserve héréditaire qui constitue une part qui revient de plein droit aux héritiers réservataires, à savoir les enfants et à défaut le conjoint survivant, et dont ils ne peuvent être privés. Ainsi, le testateur devra veiller à ne pas porter atteinte à cette réserve héréditaire mais pourra disposer librement de la partie de son patrimoine appelée quotité disponible.
Cependant, le testateur pourra disposer librement de l’intégralité de biens aux personnes de son choix en l’absence d’héritiers réservataires. Son patrimoine pourra donc être réparti dans son ensemble aux légataires universels.
Concernant la forme du testament, celui-ci peut prendre diverses formes à la condition de respecter les exigences législatives, notamment en ce qui concerne la capacité. Ainsi l’article 901 du Code civil dispose que « pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit ». Les mineurs sont alors frappés d’une incapacité totale de tester et les personnes sous tutelle devront obtenir l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles.
Cependant, quand bien même la réserve héréditaire est respectée, des désaccords peuvent survenir après le décès entre héritiers réservataires et légataires universels au moment du partage de la succession. Dans ce cas, seul le juge sera à même de déterminer la volonté réelle du testateur.
En principe, lorsqu’il s’agit d’un testament authentique, celui-ci étant rédigé sous la supervision du notaire, l’exigence de clarté est respectée ce qui limite d’éventuels conflits. Cependant, lorsqu’il s’agit d’un testament olographe, c’est-à-dire rédigé par le testateur sans l’assistance d’un juriste ou d’un notaire, celui-ci sera susceptible de comporter des ambiguïtés nécessitant une interprétation de la volonté réelle du testateur de la part du notaire, et en cas de contentieux, du juge.
Le contentieux lié à l’interprétation d’un testament peut porter sur différentes situations. En effet, l’interprétation pourra porter sur l’existence même du testament. Il s’agira par exemple de savoir si le testament est un simple projet ou un réel testament arrêté. Elle pourra aussi concerner la nature des stipulations testamentaires, l’objet du legs, la personne du légataire ou encore la portée d’une disposition.
Ces différentes questions nécessitent une interprétation de la part du juge qui pourra se prononcer aussi bien sur les effets, l’efficacité, la validité ou l’existence du testament.
Il n’en demeure pas moins que les juges ne peuvent dénaturer le testament et en faire une lecture restrictive. Telle est la position de la Cour de cassation dans un arrêt de 2021 (Cass. 1e civ. 13-1-2021 n° 19-16.392 F-D). En l’espèce, le défunt avait laissé deux testaments. La question était de savoir si les deux testaments étaient compatibles. Dans le dernier testament en date, le testateur avait indiqué : « en conséquence, après mon décès, je lui léguerai mes biens mobiliers et immobiliers qui composeront ma succession. » La cour d’appel ayant interprété le testament de la façon suivante : « « en conséquence, après mon décès, je lui léguerai tous mes biens mobiliers et immobiliers qui composeront ma succession », la Cour de cassation a considéré que le testament était dénaturé. Ainsi, en l’absence de révocation expresse, les deux testaments étaient applicables.
Les méthodes d’interprétation des testaments s’inspirent généralement des méthodes d’interprétation du droit des contrats. Ainsi, la règle faisant primer la volonté interne et la règle d’efficacité sont essentielles dans l’interprétation du testament par le juge. Celui-ci doit interpréter les termes utilisés mais doit surtout s’attacher à rechercher la volonté réelle du testateur.
Au-delà des écrits, le juge peut également prendre en considération les éléments extrinsèques du testament tels que des papiers domestiques, la personnalité du testateur, son patrimoine, ses relations avec sa famille ou encore certains usages locaux.
De plus, d’autres principes peuvent guider le juge dans son interprétation comme celui conduisant à préférer le sens qui valide la disposition testamentaire à celui qui la condamne.
Ainsi, bien que certaines méthodes d’interprétation connaissent quelques critiques, la plupart des décisions jurisprudentielles ont tendance à se placer en faveur de l’efficacité du testament.