Peut-être parce que la population française vieillit et que 70 % du patrimoine national (liquidités, immobilier…) est entre les mains des plus de cinquante ans, il commence à poindre la conscience du fléau de la maltraitance des personnes âgées. La maltraitance est cependant une notion « fourre-tout » que ne recoupe aucune réalité juridique précise : Où commence-t-elle ? Où se manifeste-elle ? Quelles sont ses implications ?
Aussi bien en maison de retraite qu’à son domicile, une personne âgée peut être victime de traitements indignes.
Sous la contrainte d’un tiers parfois intéressé, cette dernière peut se retrouver dans une situation qu’elle ne maîtrise plus, se résignant à rédiger un testament aux termes duquel elle lui lèguerait tout ou partie de ses biens.
Cette personne du troisième âge a pu se voir infliger des mauvais traitements, des brimades, des vexations ; elle a pu se voir confiner dans un état d’isolement, enfermer dans son appartement à l’abri des regards et de la surveillance du voisinage le plus immédiat ; elle a pu être laissée sans soins, dénutrie, apeurée, anxieuse, croulant chaque jour davantage sous l’emprise d’un tiers qui n’attend plus que le décès de celle-ci pour réaliser ce qu’il est convenu d’appeler une « captation d’héritage ».
Cette situation est évidement inadmissible au regard des valeurs morales et de civilisation et il n’est pas sûr que notre arsenal juridique permette toujours d’obtenir l’annulation du testament litigieux.
Car le testament est un acte juridique dont la validité suppose la capacité de tester.
Et l’article 901 du Code civil, issu de la loi n°2006-728 du 23 juin 2006, dispose que :
« Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence ».
Il est de notoriété jurisprudentielle que l’insanité d’esprit visée par cette dernière disposition textuelle comprend toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée.
Toute personne intéressée pourra donc demander en justice la désignation d’un médecin expérimenté afin que celui-ci donne son avis au Tribunal saisi sur le point de savoir si le défunt était sain d’esprit au jour du testament querellé.
Si tel n’était pas le cas, les juges du fait ne pourraient que prononcer la nullité du testament au motif qu’il a été consenti par un auteur insane d’esprit et corrélativement, dans l’impossibilité d’apprécier les conséquences de son engagement.
Mais qu’en est-il d’un testateur dont l’état mental n’est pas directement affecté et qui subit journellement des pressions morales voire des manipulations psychologiques de la part d’un tiers, le privant ainsi de son libre arbitre ?
Le Code civil lui permet de solliciter l’annulation du testament litigieux sur le fondement non plus de l’insanité d’esprit mais de la violence.
La juridiction saisie sera particulièrement attentive à la preuve de la violence physique et/ou morale telle qu’exercée sur l’auteur du testament.
Et puisque ce dernier ne pourra plus témoigner en raison de son décès, il incombera à la personne qui s’estimera en droit de porter une action sur le plan contentieux de veiller, à collecter le maximum de pièces établissant la réalité des souffrances morales et psychologiques infligées à la victime de sorte que le consentement de cette dernière aura été « extorqué ».
Il est non seulement important de dépister les abus à l’égard des personnes âgées afin de les empêcher mais aussi de les dénoncer et de les consigner au moyen de dépôts de mains courantes, d’en parler avec les voisins de pallier ou d’étage afin de se préconstituer, le cas échéant, des attestations de témoins et de faire le plus de bruit possible autour d’un fléau toujours très silencieux…